Björk aux mille et un visages
La chanteuse a reçu «20 Minutes» à Montréal, où elle s’expose. Björk dévoile les inspirations qui font son univers musical, mystérieux et extravagant.
C’est à une rencontre exceptionnelle que la chanteuse islandaise Björk a convié une poignée de journaux internationaux, dont 20 Minutes, fin octobre à Montréal, en marge d’une conférence devant les jeunes musiciens de la Red Bull Music Academy et de sa dernière exposition, « Björk Digital » (qui pourrait venir à Paris en 2017). On y voit l’intérieur de la bouche de la chanteuse, on la découvre dans un trou de ver de terre géant ou sur une planète imaginaire... Ses clips en réalité virtuelle laissent songeur. Qu’importe, la difficulté n’effraie pas ses fans fidèles. Même très éloignés des standards de la pop, ses albums récents se vendent bien et ses concerts sont systématiquement complets. Certains critiques l’élèvent même au rang d’un David Bowie pour ses prises de risque artistiques et l’étendue de son champ d’action. Mais alors, qu’a-t-elle en tête quand elle se met en scène en extraterrestre violet avec une sorte de vagin ventral qui crache des serpents de lumière ? « C’est simple, répond la chanteuse avec douceur et assurance. La réalité virtuelle permet au spectateur d’être au centre, en moi. Dans cette chanson, “Family”, je fais le deuil de la vie de famille que j’imaginais. »
Un hymne au deuil
« Créer, c’est interroger sans cesse ses sentiments, a expliqué la chanteuse qui entre dans sa quarantième année de carrière. Mais, pour créer, il faut savoir s’écouter. Etre impulsif plutôt qu’intellectuel, c’est être mature en tant que musicien. » Et cette maturité a mené Björk vers des albums plus expérimentaux et moins pop. Vulnicura, le dernier en date, est ainsi un hymne au deuil et à la douleur de la perte. La chanteuse refuse de considérer que son oeuvre est devenue moins accessible. « Il y a toujours eu des soustextes à mes chansons dont les gens n’avaient pas forcément conscience. Par exemple, personne ne savait que Homogenic était un album sur ma position d’Islandaise installée à Londres, sur la beauté et la dureté, la violence de cette île. Peu importe, les gens ont ressenti quelque chose. Ma musique est physique, émotionnelle. J’espère, même, spirituelle, quand je fais les choses bien, mais pas intellectuelle ou cérébrale. Pour moi, le message de chaque clip est très simple, il suffit de ressentir les choses. » Dans le même ordre d’idées, Björk ne veut pas parler de l’album qu’elle compose actuellement. « Je pourrais vous dire que mon prochain album traitera de l’utopie, de l’écologie, de la technologie ou de tout ça à la fois. Mais peut-être quelque chose va-t-il survenir dans ma vie, ou dans celle d’un proche, qui va bouleverser mes émotions et me guider dans une autre direction. Si je parle, aujourd’hui, de mon prochain album, je prends le risque de le figer dans quelque chose. Ce serait dommage. »