Une liste noire avec de grosses zones d’ombre
L’Union européenne n’a recensé que 17 pays
Le Panama, la Corée du Sud, la Mongolie… Voici quelques-uns des 17 pays figurant sur la liste noire des paradis fiscaux dévoilée ce mardi par les ministres des Finances de l’Union européenne. L’initiative doit permettre de mettre la pression sur ces Etats « non-coopératifs » pour les pousser à changer leur législation fiscale et à faire preuve de plus de transparence. « Cette liste représente un vrai progrès, a commenté sur Twitter Pierre Moscovici, le commissaire européen chargé de la fiscalité. Mais elle reste une réponse insuffisante au vu de l’ampleur de l’évasion fiscale dans le monde. » Cette opinion est largement partagée par les ONG spécialistes des paradis fiscaux, qui ne manquent pas de critiquer les limites d’un tel exercice.
Mais où sont passés le Luxembourg et l’Irlande?
Si 92 pays ont été minutieusement étudiés par l’UE, aucun des 27 Etats-membres n’a fait l’objet d’une telle analyse. Pourtant, selon Oxfam, qui a publié sa propre liste des paradis fiscaux fin novembre, l’Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas auraient dû figurer dans la liste. « Ces pays ne respectent pas le critère de l’équité fiscale utilisé par l’UE pour évaluer les pays tiers », explique Manon Aubry, responsable de plaidoyer, justice fiscale de l’ONG.
Mieux vaut avoir de puissants alliés.
La deuxième limite de la liste noire de l’UE vient des « créateurs » de la liste eux-mêmes. C’est le groupe « Code de conduite » qui a réalisé l’essentiel du travail. Or, cet organe européen très discret est piloté par les Etats-membres, qui peuvent avoir des intérêts à ce que certains pays « amis » ne se retrouvent pas catalogués comme paradis fiscaux. « Cette liste noire est une mascarade, tranche Eric Vernier, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Quand vous regardez la liste, vous voyez que tous les pays qui ont des alliés puissants en sont absents. Par exemple, Jersey, Guernesey et les îles Caïman, sous souveraineté britannique, ne sont pas répertoriées. Même chose pour le Delaware aux Etats-Unis. »
sanctions restent bien hypothétiques.
De nombreux pays, comme la Suisse ou le Qatar, ne sont pas dans la liste noire car ils ont promis de modifier leur législation d’ici à la fin 2018. Mais le document publié mardi ne rentre pas dans les détails et se borne à indiquer que ces pays « se sont engagés à abolir les régimes fiscaux identifiés [comme étant nocifs] ». Quant aux pays sur la liste noire, ils peuvent se réjouir : l’UE n’a prévu aucune sanction à leur encontre – hormis le gel anecdotique de fonds européens –, toute évolution sur la fiscalité nécessitant en effet l’unanimité des Etats-membres.
« Jersey, Guernesey et les îles Caïman ne sont pas répertoriées. »
Le chercheur Eric Vernier