20 Minutes (Nice)

Les gardiens de la paix ?

En Colombie, ex-Farc et victimes se retrouvent dans un même club

- Aymeric Le Gall

C’était le 24 novembre 2016. Après plus d’un demi-siècle de guerre, le gouverneme­nt colombien et les Farc signaient un accord de paix historique. Malgré tout, le bilan de ces affronteme­nts – 260 000 morts, 45 000 disparus et 6,9 millions de personnes déplacées – permet de comprendre que le chemin qui mènera à la réconcilia­tion nationale est encore long. Et, pour y parvenir, tous les moyens sont bons. Y compris le football. A travers son associatio­n Fútbol y paz construyen­do el país (Football et paix pour construire le pays), Felix Mora, avocat spécialist­e des droits de l’homme, a pour objectif de promouvoir, grâce à la pratique du ballon rond, la paix et le dialogue entre différente­s communauté­s qui, hier, se faisaient la guerre. Le but? Détecter des talents susceptibl­es d’incorporer l’équipe de la Paz FC, composée d’ex-combattant­s des Farc démobilisé­s, des victimes civiles et de membres des communauté­s frappées par la guerre. Soit un réservoir d’environ huit millions de personnes. Les objectifs sont ambitieux : avoir une équipe masculine qui viserait l’intégratio­n directe en Liga B (la deuxième division colombienn­e), créer une équipe féminine et une équipe U20. « C’est le club de la réconcilia­tion nationale », assure Felix Mora. Sur le papier, l’idée est belle mais, dans les faits, c’est compliqué. « Les plus durs à convaincre, ce sont les victimes et tous ceux qui ont souffert de la guerre, avoue l’avocat. Et pourtant, ils soutiennen­t notre initiative. » Les exguérille­ros, eux aussi, ont quelques réticences. « J’ai vu six commandant­s de la guérilla et c’est très compliqué, car ils ont encore leur idéologie révolution­naire », reconnaît Mora. Si le club possède des statuts officiels, l’équipe masculine n’évolue pas encore dans un championna­t en particulie­r. Le processus prendra du temps. Surtout que les opposition­s au projet ne manquent pas. Certains présidents de club l’ont déjà fait savoir : une équipe pro avec des Farc, c’est niet. « Les grands clubs sont dans les grandes villes, qui sont éloignées de ce que peuvent représente­r les Farc, analyse Jean-Jacques Kourliands­ky, chercheur à l’Iris [Institut de relations internatio­nales et stratégiqu­es]. Les Farc y sont très impopulair­es, et c’est aussi le cas auprès des supporters. » Conscient que son projet ne fait pas que des heureux, Felix Mora rappelle en permanence que La Paz FC « n’est pas l’équipe des Farc. Nous voulons juste développer le foot et l’intégrer dans le processus de paix. Il faut sensibilis­er notre génération, il nous faut être capable de pardonner. » Et le foot peut donner l’exemple.

« C’est le club de la réconcilia­tion nationale. » L’avocat Felix Mora

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Les ex-combattant­s des Farc dans un campement de transition en Colombie.

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