La fiction en trans
Ce soir, dans « Plus belle la vie », un personnage transgenre se dévoile. Un sujet délicat que la fiction française essaie d’aborder sans clichés.
Clara aimerait qu’on l’appelle Antoine. Le thème de la transidentité fait son entrée dans « Plus belle la vie » ce vendredi, sur France 3. « Je suis de sexe féminin, mais ce n’est pas mon genre », confie à son père Clara Bommel (Enola Righi), 15 ans. Découvert dans la websérie « Appelez-moi Antoine Bommel ! », Dimitri, responsable d’une association campé par Jonas Ben Ahmed, rejoindra l’équipe de la série télé pour épauler Clara dans sa transition, fin mars. Il sera le premier acteur transgenre à apparaître dans une série française. Une ouverture d’esprit bienvenue pour améliorer la tolérance vis-à-vis d’une communauté souvent stigmatisée. « Aux Etats-Unis, en Amérique centrale et en Amérique du Sud, les personnages transgenres sont aboutis mais, en France, leur représentation est souvent obsolète », déplore Karine Espineira, sociologue des médias, membre associé au Laboratoire d’études de genre et de sexualité, à l’université Paris-VIII et auteure de Médiacultures : La transidentité en télévision (L’Harmattan).
« Une kyrielle de regards »
En 2017, la TF1 avait abordé la thématique de façon maladroite avec la série « Louis(e) ». Pour éviter les idées reçues, l’équipe de « Plus belle la vie » a consulté plusieurs associations. « On a voulu mettre en scène une kyrielle de regards sur cette question, à travers sa famille et son entourage, avec le moins de fantasmes, de clichés et de projections possible, a raconté la scénariste Mélusine Raynaud à Libération. Avec, en toile de fond, cette question : l’amour de nos proches est-il inconditionnel ? » « On ne parle pas des problèmes que rencontrent les trans au quotidien, comme la transphobie à l’origine de nombreux assassinats et suicides, la précarité, l’accès à l’emploi, aux soins, les problèmes d’état civil, etc. », énumère Karine Espineira. « Il faut aussi montrer qu’on peut être heureux et trans », tempère Gab Harrivelle, consultant pour « Plus belle la vie » qui estime que « les personnes concernées doivent être impliquées dans la création ». Le père de Jill Soloway, la créatrice de la série « Transparent », est une femme trans. « Jill Soloway parle de son vécu, donc il y a de l’authenticité », commente Karine Espineira. Même justesse dans « Sense8 », la série des soeurs Wachowski écrite pendant leur transition. « Les personnes transgenres peuvent enrichir les productions qui ne doivent pas se vexer d’avoir besoin de se former », conclut la chercheuse. ■