20 Minutes (Nice)

L’évasion grâce au football

Pendant les grandes compétitio­ns internatio­nales, certains détenus profitent du bruit ambiant pour tenter de se faire la malle

- Jean Saint-Marc

Comment ça se passe, le Mondial en prison ? « A chaque match, c’est un bordel monstre, un bruit pas possible, raconte un surveillan­t. Et il y a parfois des tentatives d’évasion pendant les matchs. Tu le savais, ça?» Non, franchemen­t, on ne savait pas. Du coup, on s’est renseigné. Le sujet est un peu tabou dans le milieu, mais on a quand même dégoté trois petites histoires qui méritent le détour.

Apprentis Dalton et canne à pêche. Le 30 mai 2016, l’équipe de France joue face au Cameroun (3-2), juste avant l’Euro. La pluie de buts provoque une orgie sonore à la maison d’arrêt d’Amiens. « Les surveillan­ts étaient occupés à calmer les mecs, se souvient Luc Rody, surveillan­t à la maison d’arrêt et membre de la CGT Pénitentia­ire. On ne peut pas être partout à la fois.» Ils ne sont donc pas devant la cellule d’Alexandros Gdourikis et d’Aren Perlika, qui scient leurs barreaux. « Le bruit de la lime a été couvert par le désordre», indique l’avocate d’un des Dalton, qui confirme qu’ils avaient volontaire­ment choisi un soir de match. Les surveillan­ts ne repèrent pas, non plus, ce complice, armé d’une canne à pêche, qui balance une corde par-dessus le mur d’enceinte. Les détenus ont été interpellé­s le lendemain.

Course terminée à l’hôpital. Nous sommes en 1998, toujours à Amiens, pour « un gros match, peut-être la finale », se souvient un journalist­e. Effervesce­nce dans la prison, boucan d’enfer, et un détenu qui en profite pour se faire la malle. Il sera rattrapé rapidement, à l’hôpital. « Il s’est explosé la cuisse en retombant sur les tessons de bouteille qui étaient plantés sur le mur d’enceinte », assure Luc Rody. Avant cela, il avait défoncé, avec une barre de fer volée à l’atelier, le béton qui bouchait sa fenêtre. Le tout sans se faire repérer par les surveillan­ts. «On ne va pas se mentir, on est tous devant la télé s’il y a des tirs au but ou un match à suspense », nous explique l’un d’entre eux.

Le faux pistolet, l’haltère et Sylvain Wiltord. « Un match à suspense. » Comme France-Italie (2-1), en finale de l’Euro 2000. A Nîmes, Sébastien Chung et Franck Verrier n’ont pas vu le match, ils faisaient des travaux dans leur cellule : le béton a été émietté à l’aide d’un haltère volé à la salle de sport. «Ils ont fait du bruit, mais ça a été noyé par le tapage général, relate Emile Ruiz, surveillan­t syndiqué à l’Ufap. On les a repêchés sur le chemin de ronde. Ils ont été détectés par des capteurs de mouvement. » Les compères avaient aussi fabriqué un pistolet en carton, finalement inutile.

« On est tous devant la télé s’il y a des tirs au but. » Un surveillan­t de prison

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Pendant la Coupe du monde, les surveillan­ts sont un peu moins attentifs.

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