Un « tournant insurrectionnel »
Le mouvement durera si le gouvernement ne recule pas, estiment deux experts
Samedi, les «gilets jaunes» se sont une nouvelle fois mobilisés un peu partout en France. Et, une nouvelle fois, certains rassemblements ont complètement dégénéré, principalement à Paris, où « les violences ont été d’une gravité sans précédent », a souligné le préfet de police Michel Delpuech (lire l’encadré).
Un geste fort attendu
Pour Alliance Police nationale, le doute n’est pas permis, le mouvement est «insurrectionnel», a dénoncé le syndicat dans un communiqué. Le leader de LFI, Jean-Luc Mélenchon, lui, s’est félicité du fait que, «en France, l’insurrection citoyenne [fasse] trembler la macronie et le monde du fric». Quant à Benjamin Cauchy, fondateur des «gilets jaunes libres», il a estimé sur FranceInfo que «l’on [était] à deux doigts de l’insurrection », espérant toutefois «un dialogue avec le gouvernement ».
«On est dans une forme de jacquerie moderne, de tournant insurrectionnel», conforte Romain Pasquier, directeur de recherche au CNRS et titulaire de la chaire «territoires et mutations de l’action publique» de Sciences po Rennes. Pour Stéphane Sirot, historien spécialiste des mouvements sociaux et du syndicalisme, «il faut se méfier de ceux qui emploient le terme d’insurrection pour décrédibiliser le mouvement ou servir leur cause politique. Ce qu’il y a d’insurrectionnel, en revanche, c’est l’idée du peuple qui se soulève en masse contre ceux qui le dirigent.» A ses yeux, «on se croirait au temps des Etats généraux qui ont précédé la Révolution française. Emmanuel Macron se transforme en Louis XVI : il reçoit les cahiers de doléances du peuple, mais n’y comprend rien, y reste hermétique, il est incapable de faire preuve d’empathie. »
Mais alors, quel avenir pour le mouvement ? «Plus il dure, plus la sortie de crise sera compliquée, que les “gilets jaunes” se structurent ou pas, estime Stéphane Sirot. Ils ne lâcheront pas tant que le gouvernement ne reculera pas et ne fera pas un geste très significatif.» Romain Pasquier conseille au président d’annoncer, par exemple, «un moratoire sur la hausse des prix de l’énergie d’au moins six mois », ainsi que le réclament l’opposition et certains «gilets jaunes». «Le président ne s’exprimera pas aujourd’hui», a comme répondu dimanche l’Elysée à l’issue d’une réunion de crise.