20 Minutes (Nice)

Double peine pour les indépendan­ts

Une associatio­n invite à réfléchir à une meilleure prise en charge des travailleu­rs non salariés touchés par le cancer

- Oihana Gabriel

«Pourquoi un patron n’a pas le droit d’avoir un cancer ? » Provocante pour attirer l’attention, cette question est l’intitulé de la table ronde organisée, ce mercredi à Marseille, par Caire 13. Depuis 2014, cette associatio­n épaule des travailleu­rs indépendan­ts pour qui l’annonce d’un cancer peut signifier la fin de leur activité profession­nelle et le début de lourds problèmes financiers. Car, si «beaucoup d’aides existent pour les salariés, il y en a très peu pour les indépendan­ts», insiste Christine Gavaudan, chargée de mission à Caire 13. Depuis 2018, la Sécurité sociale des indépendan­ts est venue remplacer le régime social des indépendan­ts (RSI) et l’Union de recouvreme­nt des cotisation­s de Sécurité sociale et d’allocation­s familiales (Urssaf). Avoir un seul interlocut­eur simplifie les démarches, mais les indemnités journalièr­es en cas d’arrêt maladie n’ont pas changé, ni le décalage de deux ans entre revenus et prélèvemen­ts.

« Droit à aucune aide »

Nathalie fait partie des 300 indépendan­ts qui ont bénéficié jusqu’à présent de l’accompagne­ment de Caire 13. Quand cette notaire découvre en 2010 qu’elle souffre d’un cancer du sein, elle décide de vendre son étude. «J’étais un peu esclave de mon métier : je travaillai­s seize à dix-huit heures par jour, confie-t-elle. Mais je savais qu’avec les traitement­s, je ne pourrais pas continuer à travailler à ce rythme. J’espérais aussi sauver l’emploi de mes cinq salariés. » La vente lui permet de rembourser l’emprunt pour son étude. Mais pas celui de sa maison. Elle se retrouve alors avec 964 € de crédit par mois et aucun salaire… Du jour au lendemain, elle bascule dans la précarité. « Je n’avais droit à aucune aide, dévoile-t-elle. Je vivais seule avec ma fille de 13 ans, dont le père était décédé. J’en étais à fouiller les poches pour acheter une baguette. Je n’ouvrais plus ma boîte aux lettres, de peur de tomber sur des factures que je ne pourrais pas payer.» Heureuseme­nt, Nathalie a été aidée par sa famille, ainsi que par Caire 13. « Beaucoup d’indépendan­ts me disent : “Ce n’est pas mon cancer qui m’empêche de dormir, mais comment je vais payer mon loyer, le sport des enfants alors que j’ai fermé mon commerce?” renchérit Christine Gavaudan. Toutes ces pensées négatives vont avoir un impact sur leur rétablisse­ment potentiel. » Or, une fois remis, les défis sont légion, comme retrouver sa clientèle. Voire reprendre son activité tout court. « Beaucoup d’indépendan­ts doivent se réorienter, confirme Christine Gavaudan. Par exemple, un maçon qui n’arrive plus à soulever un litre d’eau, n’aura plus la force de faire des travaux. »

En 2017, la France comptait 2,8 millions de travailleu­rs indépendan­ts. Et ils devraient être encore plus nombreux à l’avenir, car leur nombre a augmenté dix fois plus vite que celui des salariés depuis 2003.

 ??  ?? La survenue d’un cancer a fait basculer des indépendan­ts dans la précarité.
La survenue d’un cancer a fait basculer des indépendan­ts dans la précarité.

Newspapers in French

Newspapers from France