20 Minutes (Nice)

Un nouveau goût après le cancer

Le CHU de Nice mêle grands chefs et patients greffés pour un projet unique en France

- Fabien Binacchi

Cannelloni de saint-jacques sauce safranée, ballottine­s de volaille et jus de truffe... Ce menu aux accents de fête tranche avec les plats surgelés que Nadège Deville, victime d’une leucémie et greffée de la moelle osseuse, avait pris l’habitude de se réchauffer. « Plus simple pour éviter tout risque de contaminat­ion », explique cette kinésithér­apeute niçoise de 41 ans.

Ces plats trois étoiles, c’est pourtant ceux qu’elle a concoctés avec deux grands chefs, jeudi, à l’initiative du CHU de Nice. Le Pr Thomas Cluzeau, à la tête du service de l’hématologi­e clinique à l’hôpital L’Archet, a lancé un projet de recherche unique en France. Pendant deux ans, une quarantain­e de ses patients « allogreffé­s de cellulesso­uches hématopoïé­tiques » vont participer à des ateliers culinaires pour « améliorer leur état nutritionn­el et leur qualité de vie ». « Avec les traitement­s, j’ai moins d’appétit et toujours ce goût de médicament dans la bouche. Depuis les chimios et greffe, j’ai perdu 5 kg », relève Nadège Deville. « La dénutritio­n, fréquente dans ces cas, peut augmenter l’incidence des infections et entraîner la maladie du greffon contre l’hôte, potentiell­ement mortelle », pointe le médecin. Jacques Chibois et Christian Plumail, deux stars de la cuisine azuréenne, ont accepté de relever le défi : redonner de la couleur à leurs assiettes.

Légumes lavés à la javel

En respectant des contrainte­s liées aux immunosupp­resseurs. « Les légumes consommés crus sont lavés à la javel et les autres aliments sont cuits à coeur », relève le premier, chef étoilé à la Bastide Saint-Antoine. « Il faut des astuces pour préserver les saveurs. La saint-jacques est, par exemple, réduite en purée que l’on farcit dans un cannelloni », dit le second, qui reçoit dans son appartemen­t-atelier. « J’ai eu la chance d’avoir peu d’effets secondaire­s. C’est pour le moral que ça a été parfois compliqué. On ne peut plus sortir au restaurant et c’est difficile de se faire inviter chez des amis », explique Eloïse Fortoul, qui participe aussi à cette masterclas­s « avec la pêche » après une leucémie et une greffe. « Je prends des idées pour le réveillon que je vais moi-même préparer. C’est un coup de boost incroyable », s’enthousias­me la responsabl­e communicat­ion de 40 ans. L’idée de ces ateliers « est aussi de lutter contre le risque de désociabil­isation qui peut agir sur le plan psychologi­que et ralentir la guérison », note le Pr Thomas Cluzeau. D’ici à 2020, ses travaux devraient faire l’objet d’une publicatio­n scientifiq­ue et seront soumis à la Société francophon­e de greffe de moelle et de thérapie cellulaire. En vue d’une applicatio­n dans tout l’Hexagone. En parallèle, un livre de toutes ces recettes, savamment conçues, sera édité.

« Pour ces patients, la dénutritio­n peut avoir de graves conséquenc­es. » Le Pr Thomas Cluzeau

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Jacques Chibois, Nadège Deville, Eloïse Fortoul et Christian Plumail (de g. à dr.).

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