Vous avez un message (automatique)
Gmail suggère des réponses aux e-mails grâce à l’intelligence artificielle. Un avant-goût du futur
« Bien reçu », « c’est noté », « merci beaucoup »… C’est laconique mais efficace, et plutôt pertinent. Depuis plusieurs mois, les utilisateurs de Gmail ont l’étrange sensation d’être épiés par un petit curieux qui s’amuse à lire le moindre e-mail depuis son canapé virtuel. Aidée par une intelligence artificielle, la messagerie de Google propose trois réponses toutes faites à chacun de nos messages, elle termine la fin de nos phrases en pleine rédaction, et elle nous rappelle de répondre à nos messages. Plus besoin de réfléchir, la machine le fait pour nous. «Smart Reply [réponse intelligente] utilise l’apprentissage automatique pour donner des réponses de plus en plus pertinentes à mesure que vous l’utilisez», expliquait Google en 2017. A mi-chemin entre un assistant et un double numérique, la technologie a tout l’air de connaître le contenu de nos échanges privés. Pire, elle n’a pas l’air de s’en cacher. «A partir du moment où on confie à un opérateur privé nos messages, il peut certainement y avoir accès, mais on n’imagine pas qu’une personne soit derrière, parce que ce serait trop coûteux, répond d’un air amusé Jean-Gabriel Ganascia, chercheur en intelligence artificielle, président du comité d’éthique du CNRS. Ce n’est pas une intrusion dans la vie individuelle dans le sens où c’est traité en masse. » Google confirme : « Nous ne lisons pas les e-mails de nos utilisateurs ». Pour l’heure, l’algorithme du géant du Web ne va pas chercher très loin, les réponses restant assez sommaires (« d’accord », « c’est noté », « à bientôt»). Mais elle donne un avant-goût de ce qui nous attend à l’ère de l’intelligence artificielle. Au revoir la prise de tête administrative, bonjour l’organisation intelligente des e-mails et l’écriture automatisée. La messagerie ne fait encore que suggérer, et les plus agacés peuvent désactiver la fonction dans les paramètres. « J’ai du mal à imaginer qu’un jour, il y ait une substitution, estime Jean-Gabriel Ganascia. L’expérience montre qu’il faut voir l’intelligence artificielle comme un partenaire. » On écrira moins, mais on passera peut-être plus de temps sur les choses importantes. « L’intelligence artificielle aura un grand effet sur les lettres professionnelles, elles seront préécrites, poursuit JeanGabriel Ganascia. En revanche, la correspondance privée, je ne pense pas. C’est un peu la même chose qu’avec les agents conversationnels, ça peut marcher tant que la sémantique est sans ambiguïtés ni jeu de mots. » Mais dans la vie de tous les jours, on joue sur le double sens des mots, ce qui est très difficile à imiter pour une machine.
Plus besoin de réfléchir, la machine le fait pour nous.