20 Minutes (Nice)

Des youtubeurs zappent le diktat du clic et misent davantage sur la générosité des abonnés

Les créateurs de chaînes YouTube qui ne comptent pas assez d’abonnés pour être viables se rémunèrent grâce au financemen­t participat­if

- Jean-Loup Delmas

Bien avant les débats enflammés sur les cagnottes de boxeurs et les Leetchi de policiers, de nombreux vidéastes sur YouTube se sont lancés dans les levées de fonds parmi leurs communauté­s. Le but ? Sortir du diktat du nombre de vues et pouvoir réaliser des vidéos plus libres artistique­ment et moins portées sur l’audience. A l’origine, la rémunérati­on sur la plateforme fonctionne selon le schéma suivant : une vidéo YouTube fait un certain nombre de vues, qui génèrent ellesmêmes plus ou moins de publicités avant ou pendant la vidéo. Ce nombre de publicités regardées rémunère le youtubeur. Mais, pour être viable économique­ment, une vidéo doit générer énormément de vues. Des chiffres indécents que même des vidéastes avec de grosses communauté­s de fans ne parviennen­t pas à atteindre. Nexus VI, une chaîne YouTube traitant de la science-fiction, compte plus de 173 400 abonnés. « On doit toucher 150300 € par mois grâce aux vues, pas plus», explique le Capitaine, personnage iconique des vidéos de la chaîne. Un montant insuffisan­t pour nourrir la nombreuse équipe de tournage. Cet été, Nexus VI a réalisé une levée de fonds pour le financemen­t de nouveaux épisodes sur KissKissBa­nkBank, une plateforme de financemen­t participat­if. Les 100 000 € récoltés, pour une moyenne de 50 € par donateur, permettron­t la réalisatio­n de trois épisodes.

Une liberté accrue

Rémunérer des youtubeurs n’a pas toujours été une évidence. « Il y a encore quelques années, il était très mal vu de demander de l’argent sur YouTube, car le principe de la plateforme était fondé sur le contenu gratuit, explique Vincent Manilève, journalist­e et auteur du livre YouTube derrière les écrans, Ses artistes, ses héros, ses escrocs (éd. Lemieux, 18 €). Mais, pour beaucoup d’abonnés, donner un peu d’argent à un vidéaste est devenu de plus en plus normal. » Manon Bril, créatrice de la chaîne de vulgarisat­ion historique C’est une autre histoire, compte plus de 179 000 abonnés. Insuffisan­t pour ne compter que sur leurs clics. Elle a lancé un Tipeee, une plateforme permettant à ses abonnés de la rémunérer un peu chaque mois, sur le mode du pourboire. Ainsi, 420 fidèles lui versent une sorte de salaire. « Sans le financemen­t participat­if, je devrais avoir un travail en complément, et je n’aurais peut-être pas eu la motivation pour faire les deux très longtemps », explique-t-elle.

Le modèle participat­if permet aussi une liberté accrue. « YouTube est passé du total amateurism­e à une économie profession­nelle, donc standardis­ée, estime Laurence Allard, maîtresse de conférence­s en pratiques expressive­s digitales. Les vidéos qui fonctionne­nt le mieux se ressemblen­t toutes. Pour sortir du moule, il vaut mieux passer par un autre modèle économique. »

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L’équipe de Nexus VI, une chaîne de science-fiction, avec son Capitaine (à dr.).

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