Des youtubeurs zappent le diktat du clic et misent davantage sur la générosité des abonnés
Les créateurs de chaînes YouTube qui ne comptent pas assez d’abonnés pour être viables se rémunèrent grâce au financement participatif
Bien avant les débats enflammés sur les cagnottes de boxeurs et les Leetchi de policiers, de nombreux vidéastes sur YouTube se sont lancés dans les levées de fonds parmi leurs communautés. Le but ? Sortir du diktat du nombre de vues et pouvoir réaliser des vidéos plus libres artistiquement et moins portées sur l’audience. A l’origine, la rémunération sur la plateforme fonctionne selon le schéma suivant : une vidéo YouTube fait un certain nombre de vues, qui génèrent ellesmêmes plus ou moins de publicités avant ou pendant la vidéo. Ce nombre de publicités regardées rémunère le youtubeur. Mais, pour être viable économiquement, une vidéo doit générer énormément de vues. Des chiffres indécents que même des vidéastes avec de grosses communautés de fans ne parviennent pas à atteindre. Nexus VI, une chaîne YouTube traitant de la science-fiction, compte plus de 173 400 abonnés. « On doit toucher 150300 € par mois grâce aux vues, pas plus», explique le Capitaine, personnage iconique des vidéos de la chaîne. Un montant insuffisant pour nourrir la nombreuse équipe de tournage. Cet été, Nexus VI a réalisé une levée de fonds pour le financement de nouveaux épisodes sur KissKissBankBank, une plateforme de financement participatif. Les 100 000 € récoltés, pour une moyenne de 50 € par donateur, permettront la réalisation de trois épisodes.
Une liberté accrue
Rémunérer des youtubeurs n’a pas toujours été une évidence. « Il y a encore quelques années, il était très mal vu de demander de l’argent sur YouTube, car le principe de la plateforme était fondé sur le contenu gratuit, explique Vincent Manilève, journaliste et auteur du livre YouTube derrière les écrans, Ses artistes, ses héros, ses escrocs (éd. Lemieux, 18 €). Mais, pour beaucoup d’abonnés, donner un peu d’argent à un vidéaste est devenu de plus en plus normal. » Manon Bril, créatrice de la chaîne de vulgarisation historique C’est une autre histoire, compte plus de 179 000 abonnés. Insuffisant pour ne compter que sur leurs clics. Elle a lancé un Tipeee, une plateforme permettant à ses abonnés de la rémunérer un peu chaque mois, sur le mode du pourboire. Ainsi, 420 fidèles lui versent une sorte de salaire. « Sans le financement participatif, je devrais avoir un travail en complément, et je n’aurais peut-être pas eu la motivation pour faire les deux très longtemps », explique-t-elle.
Le modèle participatif permet aussi une liberté accrue. « YouTube est passé du total amateurisme à une économie professionnelle, donc standardisée, estime Laurence Allard, maîtresse de conférences en pratiques expressives digitales. Les vidéos qui fonctionnent le mieux se ressemblent toutes. Pour sortir du moule, il vaut mieux passer par un autre modèle économique. »