Start-uppeurs et tremblements
Dans son livre «Start-up Mania», Michel Turin rappelle que le fonctionnement de ces entreprises est loin d’être idyllique
«Je veux que la France soit une nation start-up», avait déclaré Emmanuel Macron en juin 2017 au salon VivaTech. Pour autant, célébrer la «French Tech » – le mouvement français des start-up – en espérant y voir émerger le futur Google ou Amazon est-il réaliste? Non, et c’est même dangereux, répond en substance Michel Turin. Dans son livre à paraître le 5 février, Start-up Mania (éd. Calmann-Lévy), le journaliste économique explique pourquoi il vaut mieux garder la tête froide devant la frénésie start-uppeuse.
L’environnement des start-up ressemble au « village Potemkine ». L’expression « village Potemkine » désigne un subterfuge visant à dissimuler la réalité. Dans les start-up, cet art serait pratiqué avec soin dans la configuration des locaux. Michel Turin note qu’ils possèdent leurs propres codes, à mi-chemin entre « la cour de récréation » (avec baby-foot) et « le troispièces cuisine » imitant un appartement kitsch. Mais, derrière le vernis, « les bac +5 recrutés par les start-up se retrouvent souvent occupés à exécuter des tâches répétitives et sans grande valeur ajoutée», écrit le journaliste. Pire, « l’ambiance de travail prétendument décontractée et les open spaces censément chaleureux font passer la grosse pilule des conditions de travail proches de l’esclavage».
Les start-up ont un profil très monolithique. L’imaginaire de la start-up laisse penser que n’importe qui peut monter une entreprise et faire fortune. Or une étude de la Conférence des grandes écoles montre que 79% des fondateurs de start-up françaises présents au CES 2016 de Las Vegas étaient
passés par une grande école. Une autre étude de l’Observatoire de la French Tech de 2017 révélait que 90 % des start-uppeurs étaient des hommes. Et nombre d’entre eux peuvent compter sur leurs proches ou leur famille aisée pour se lancer à moindres frais. «Les start-up ne sont pas un ascenseur social », assène Michel Turin, qui rappelle par ailleurs que les femmes qui lancent leurs projets sont souvent victimes de préjugés sexistes de la part des investisseurs de la French Tech.
Les start-up sont dans une bulle qui va éclater. « Quand tout le monde rêve de créer sa start-up, c’est que les choses ne vont pas tarder à se
gâter », prévient Michel Turin. Le journaliste économique rappelle que de nombreuses start-up accumulent des pertes colossales année après année, ce qui pourrait finir par alerter les investisseurs. Uber a ainsi perdu plusieurs milliards d’euros en 2019 et ne vise la rentabilité qu’en 2021. La valorisation de WeWork, spécialisé dans les bureaux partagés, est passée de 47 à 8 milliards de dollars en quelques mois. « La question n’est pas de savoir si c’est une bulle, explique le cofondateur d’une start-up interrogé dans le livre, mais de savoir si elle durera assez longtemps pour que je surfe dessus. »