Le « syndrome d’aliénation parentale» en débat
Avancé par des parents mis en cause pour se défendre, la notion inquiète la justice
Le concept controversé désigne une situation dans laquelle l’enfant rejette l’un de ses parents de façon «non justifiée».
L’actrice Mia Farrow a-t-elle «coaché » sa fille Dylan pour accuser Woody Allen d’inceste ? Le « syndrome d’aliénation parentale » (SAP), selon lequel un enfant dénigre l’un de ses parents de façon « non justifiée », revient dans l’actualité. La diffusion en France depuis le 1er mars, sur la chaîne OCS, d’un documentaire consacré aux accusations d’agression sexuelle visant le réalisateur américain a contribué à relancer le débat autour du SAP. Le terme est apparu pour la première fois en 1985, aux Etats-Unis, sous la plume d’un pédopsychiatre controversé, Richard Gardner. Le syndrome d’aliénation parentale n’a jamais bénéficié d’une véritable reconnaissance scientifique. Mentionné en mai 2019 dans l’index de classification internationale des maladies, il en a été retiré en 2020.
Responsabilité « détournée »
Enseignée un temps aux magistrats en formation, cette notion a infusé les pratiques professionnelles de la chaîne judiciaire. « L’aliénation parentale est reconnue dans des dizaines de jugements de la Cour européenne des droits de l’homme et dans des centaines d’expertises en France», souligne Olga Odinetz, présidente de l’association Acalpa, qui milite pour la reconnaissance du SAP comme une « maltraitance psychologique sur mineurs».
Mais la prise en compte de ce syndrome d’aliénation par les policiers ou la justice inquiète des acteurs de la protection de l’enfance. Dans l’ouvrage collectif Violences sexuelles, En finir avec l’impunité (éd. Dunod), publié le 3 mars, le juge pour enfants Edouard Durand, coprésident de la commission sur l’inceste, alerte sur « les dangers » de l’aliénation parentale : « La diffusion de ce concept (…) détourne la responsabilité en dirigeant l’attention contre la mère, suspectée de manipuler son enfant ».
Le débat sur le terrain de la recherche devrait se poursuivre dans les prochains mois. Dans son rapport d’évaluation de la loi de 2018 sur la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, la députée LREM Alexandra Louis a proposé aux ministres concernés de « réinterroger la théorie de l’aliénation parentale (…) par le biais d’une audition publique réunissant tous les professionnels concernés, sous l’égide de la Fédération française de psychiatrie ».