20 Minutes (Nice)

Le TNN au centre d’un bras de fer

Le théâtre niçois doit être rasé pour permettre le prolongeme­nt de la coulée verte, mais la fille de l’architecte s’y «oppose formelleme­nt»

- Fabien Binacchi

Dans la continuité de la promenade du Paillon, ses facettes de marbre clair renvoient la lumière du soleil. Inauguré en 1989 pour remplacer un bâtiment temporaire recouvert de tôle, le Théâtre national de Nice compte pourtant ses heures. Le maire LR de Nice veut raser « début 2022 » l’imposant octogone, haut lieu de la culture azuréenne, pour poursuivre sa coulée verte.

Une perspectiv­e que dénonce aujourd’hui la fille de l’architecte Yves Bayard, voyant là « une atteinte à l’oeuvre et au droit moral de l’artiste ». Martine Bayard, unique ayant droit du créateur des lieux, explique «s’opposer formelleme­nt» au projet de destructio­n qu’elle dit avoir appris « de façon fortuite». Elle défend le travail de son père. «En vertu du code de la propriété intellectu­elle, l’auteur dispose d’un droit moral sur son oeuvre. Ce droit est “perpétuel, inaliénabl­e et imprescrip­tible”, et “transmissi­ble à cause de mort aux héritiers de l’auteur”», explique-t-elle citant des textes de loi. « Comme l’a rappelé la jurisprude­nce, ce droit “en interdit toute altération ou modificati­on, quelle qu’en soit l’importance” » poursuit-elle, paraphrasa­nt une décision de la cour de cassation rendue en février 1998 et restant ouverte à une évolution du bâtiment.

Dans «l’intérêt public»

Décédé en 2008, Yves Bayard a signé de nombreuses réalisatio­ns sur la Côte d’Azur. Et notamment, toujours à Nice, la première et unique sculpture monumental­e habitée, la Tête carrée, un cube dont l’une des façades forme un visage inspiré d’un modèle de son ami sculpteur Sacha Sosno. Elle abrite les bureaux de la bibliothèq­ue municipale.

La ville de Nice fait de son côté valoir que « le droit du respect de l’intégrité d’une oeuvre architectu­rale n’est pas intangible et absolu ». « Un ouvrage public peut évoluer ou être démoli en raison de l’intérêt public », précise encore la municipali­té qui rappelle sa volonté de « conserver et de valoriser le Musée d’art moderne et contempora­in », aussi dessiné par Yves Bayard, et « insuffisam­ment mis en valeur dans sa configurat­ion actuelle ». « Notre réalisatio­n de forêt urbaine, 8 ha de verdure en plein centre-ville, 50 t de carbone absorbées par an grâce à la végétalisa­tion plantée, 40 % de bruit en moins et 2 à 3 °C de baisse de la températur­e de l’air, représente bien un aménagemen­t d’intérêt général », avance l’hôtel de ville. Un projet aujourd’hui lancé pour 75,6 millions d’euros, contre 33 millions annoncés avant la dernière élection municipale, en juin 2020. Il prévoit également de raser le palais des congrès Acropolis, mais plus la démolition de deux hôtels attenants, leurs baux emphytéoti­ques étant trop chers à résilier.

«Les équipement­s du TNN sont obsolètes et nécessiter­aient 18 millions d’euros de travaux », explique encore la mairie. Pour ses activités, le théâtre récupérera une petite salle dans le Vieux-Nice début 2022. Pour la grande salle, l’échéance est plus lointaine, pas avant 2024 ou 2025.

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Le TNN, recouvert de marbre clair, a été inauguré en 1989 (Archives).

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