Le TNN au centre d’un bras de fer
Le théâtre niçois doit être rasé pour permettre le prolongement de la coulée verte, mais la fille de l’architecte s’y «oppose formellement»
Dans la continuité de la promenade du Paillon, ses facettes de marbre clair renvoient la lumière du soleil. Inauguré en 1989 pour remplacer un bâtiment temporaire recouvert de tôle, le Théâtre national de Nice compte pourtant ses heures. Le maire LR de Nice veut raser « début 2022 » l’imposant octogone, haut lieu de la culture azuréenne, pour poursuivre sa coulée verte.
Une perspective que dénonce aujourd’hui la fille de l’architecte Yves Bayard, voyant là « une atteinte à l’oeuvre et au droit moral de l’artiste ». Martine Bayard, unique ayant droit du créateur des lieux, explique «s’opposer formellement» au projet de destruction qu’elle dit avoir appris « de façon fortuite». Elle défend le travail de son père. «En vertu du code de la propriété intellectuelle, l’auteur dispose d’un droit moral sur son oeuvre. Ce droit est “perpétuel, inaliénable et imprescriptible”, et “transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur”», explique-t-elle citant des textes de loi. « Comme l’a rappelé la jurisprudence, ce droit “en interdit toute altération ou modification, quelle qu’en soit l’importance” » poursuit-elle, paraphrasant une décision de la cour de cassation rendue en février 1998 et restant ouverte à une évolution du bâtiment.
Dans «l’intérêt public»
Décédé en 2008, Yves Bayard a signé de nombreuses réalisations sur la Côte d’Azur. Et notamment, toujours à Nice, la première et unique sculpture monumentale habitée, la Tête carrée, un cube dont l’une des façades forme un visage inspiré d’un modèle de son ami sculpteur Sacha Sosno. Elle abrite les bureaux de la bibliothèque municipale.
La ville de Nice fait de son côté valoir que « le droit du respect de l’intégrité d’une oeuvre architecturale n’est pas intangible et absolu ». « Un ouvrage public peut évoluer ou être démoli en raison de l’intérêt public », précise encore la municipalité qui rappelle sa volonté de « conserver et de valoriser le Musée d’art moderne et contemporain », aussi dessiné par Yves Bayard, et « insuffisamment mis en valeur dans sa configuration actuelle ». « Notre réalisation de forêt urbaine, 8 ha de verdure en plein centre-ville, 50 t de carbone absorbées par an grâce à la végétalisation plantée, 40 % de bruit en moins et 2 à 3 °C de baisse de la température de l’air, représente bien un aménagement d’intérêt général », avance l’hôtel de ville. Un projet aujourd’hui lancé pour 75,6 millions d’euros, contre 33 millions annoncés avant la dernière élection municipale, en juin 2020. Il prévoit également de raser le palais des congrès Acropolis, mais plus la démolition de deux hôtels attenants, leurs baux emphytéotiques étant trop chers à résilier.
«Les équipements du TNN sont obsolètes et nécessiteraient 18 millions d’euros de travaux », explique encore la mairie. Pour ses activités, le théâtre récupérera une petite salle dans le Vieux-Nice début 2022. Pour la grande salle, l’échéance est plus lointaine, pas avant 2024 ou 2025.