Biodiversité « Il va falloir entrer dans un monde plus patient »
Pour le directeur de l’Agence française de développement, Rémy Rioux, l’ensemble du système économique doit être réorienté en faveur de la nature
Rémy Rioux est le directeur général de l’Agence française de développement. Cette institution financière publique, dotée d’un budget annuel de 12 milliards d’euros, intervient dans 115 pays, finançant des projets de développement, pour moitié à impact positif sur l’environnement. Alors que s’ouvre vendredi à Marseille le Congrès mondial de la nature, 20bMinutes s’est entretenu avec lui.
Quels sont les freins à une transformation rapide de nos systèmes de production ? On sait, d’après les rapports du Giec, que le temps presse…
Je crois que tout le monde a pris conscience que notre modèle de développement, comme celui d’autres pays du monde, est inadapté. La très grande accélération que nous connaissons depuis les années 1970 est en train de dévorer la planète. Sur le plan financier, il faudrait 1 000 milliards de dollars (850 milliards d’euros) par an d’investissements ayant un effet positif sur la nature. Nous en sommes à 150 milliards de dollars, à 80 % de l’argent public. Il faut davantage de financements privés, réorienter les subventions néfastes, et les banques publiques doivent anticiper ces transformations. On cherche à susciter ce débat dans le monde financier.
Comment la finance peut-elle sauver la biodiversité ?
On a longtemps considéré que la biodiversité n’était qu’une question de conservation, qu’il fallait essentiellement créer des espaces naturels protégés. Cela reste très important, mais il faut aussi passer d’une logique de conservation à une logique de transformation de toutes les sociétés, des modes de vie. Il faut réorienter l’ensemble du système économique. Les niveaux de croissance et les retours sur investissement qui étaient attendus depuis une trentaine d’années n’ont plus de sens. Il va falloir entrer dans un monde plus patient, moins « rentable ».
Êtes-vous optimiste quant à notre capacité à opérer ce changement ?
N’y a-t-il pas une forme d’espoir, parce que notre projet politique mondial est en train de se structurer autour de ces questions. Dans un monde où on a si longtemps dit « Il n’y a plus d’idéologie, il n’y a plus de récit, il n’y a plus de collectif », je crois le contraire. Je pense qu’on est en train de diffuser quelque chose d’extrêmement puissant qui va embarquer la majorité des pays du monde.