20 Minutes (Nice)

Environnem­ent « Il faut réussir à faire émerger un idéal propre »

Mindahi Bastida, membre des Otomis, un peuple autochtone du Mexique, espère une prise de conscience climatique

- Propos recueillis par Alexandre Vella

Lors de la COP21 de Paris, en 2015, des leadeurs de peuples indigènes et des militants se sont unis à l’appel de Raoni pour former une « alliance des gardiens de la nature ». Mindahi Bastida, membre des Otomis, un peuple autochtone du Mexique, y était. 20 Minutes l’a rencontré au Congrès mondial de la nature à Marseille, qui s’est tenu du 3 au 11 septembre.

Quel est votre sentiment sur ce congrès et, plus largement, celui des peuples indigènes ?

D’abord, nous devons comprendre que ces congrès sont hautement nécessaire­s pour protéger la vie et la diversité culturelle, car nous ne pouvons pas séparer diversité biologique et diversité culturelle. Notre rôle est d’amener notre conscience et la sagesse de nos ancêtres à réussir à vivre en paix et en intégrité.

Vous estimez-vous davantage écouté et pris au sérieux ces dernières années ?

C’est un processus de croissance, qui n’est pas simple, comme n’importe quelle lutte sociale. Nous sommes persévéran­ts et voyons une très lente progressio­n de la considérat­ion qu’on nous donne. Dans le système des Nations unies ou dans d’autres organisati­ons intergouve­rnementale­s, ils nous demandent d’être présents, mais nous restons en dehors des processus de décision car nous ne sommes pas une « nation », comme ils disent. Il faut continuer à s’allier avec des associatio­ns, des parlementa­ires, des politiques ou même le secteur privé, qu’ils comprennen­t la crise qui nous tue. Il faut réussir à faire émerger un idéal propre.

N’êtes-vous pas agacés d’être cantonnés dans les institutio­ns à un rôle représenta­tif ?

C’est vrai, nous ne sommes pas pris en compte dans les processus de décision. Et pourtant nous le mériterion­s, car ce que le monde appelle « conservati­on » est en réalité notre territoire. Nous ne prenons pas juste soin de la biodiversi­té dans nos territoire­s, mais de celle du monde. De plus, l’économie de marché cause beaucoup de dégâts. Aujourd’hui, on nous vend le système « Redd », qu’on a appelé ensuite « Redd + » ; un système de compensati­ons d’émissions carbone, qui est un gros problème. À nos yeux, ce genre de stratégies n’est qu’une autre manière d’exploiter la nature. Nous sommes vraiment inquiets, car si leurs intentions paraissent bonnes, elles altèrent tout de même la nature et sont une nouvelle justificat­ion pour continuer à polluer l’atmosphère.

Avez-vous toujours de l’espoir ?

Nous avons besoin de travailler avec les gouverneme­nts et les entreprise­s. Mais combien de sommets ont-ils eu lieu dans le passé ? Allons-nous mieux ? Les politiques continuent, les industries polluantes ne sont pas fermées et des pays, comme l’Inde ou la Chine, justifient leurs actes en disant que d’autres l’ont fait par le passé et qu’ils ont aussi le droit, désormais, à leur croissance. Ce paradigme ne nous donnera pas le bienêtre dont nous avons besoin. Alors, nous devons entrer dans un processus d’unificatio­n du monde pour agir. Nous sommes dans un temps critique. Comment renverser cette domination des humains sur d’autres espèces et d’autres humains et changer non seulement le récit, mais aussi les actions ?

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Planète Amazone
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