Le lithium bientôt à son minimum ?
D’ici quelques années, le métal clé dans le fonctionnement des batteries pour les véhicules électriques devrait faire face à une pénurie
Le Mondial de l’auto, qui se tient jusqu’à dimanche à Paris, acte, un peu plus encore, le virage pris par l’automobile vers l’électrique. Cette transition est même plus rapide que ce que l’on aurait pu imaginer. Au point de pousser le Boston Consulting Group (BCG) à revoir ses projections. « La voiture 100 % électrique sera le type de véhicule léger le plus vendu dans le monde en 2028, trois ans plus tôt que prévu », souligne le cabinet de conseil en stratégie.
Cette transition, dans des délais très courts, n’est pas seulement un défi pour les constructeurs, mais aussi pour toutes les industries parallèles qui l’approvisionnent. Parmi elles, celle du lithium, l’élément clé des batteries des voitures électriques. « En matière de capacité de stockage, de rendement, les batteries au lithium sont la solution la plus efficace sur le marché, et sans doute pour longtemps », précise Emmanuel Hache, économiste spécialiste des matières premières à l’IFP Énergies nouvelles (Ifpen). Avec ce boom des véhicules électriques, l’offre de lithium devrait être inférieure d’environ 4 % à la demande attendue en
2030 et de 24 % d’ici à 2035, anticipe le BCG, qui fait, alors, de cette pénurie un possible frein à la transition énergétique. Pourtant, le lithium n’est pas le plus critique des métaux dits « rares » ou stratégiques, car présents
La concentration de la production de ce métal dans les mains de quelques acteurs met l’industrie automobile dans une situation de dépendance inconfortable.
en faible quantité et/ou mal répartis sur Terre. Et le risque de pénurie se pose bien, d’ici à 2030. Emmanuel Hache et Mikaël Le Mouëllic, directeur associé du BCG, l’expliquent par un manque d’investissement, ces dix dernières années, dans de nouvelles chaînes de production. « Cinq entreprises se partagent 90 % du marché du lithium, reprend l’économiste de l’Ifpen. Deux chinoises, deux américaines et une chilienne. » Non seulement leur production risque très vite de ne plus suffire, mais cette concentration dans les mains de quelques acteurs met également l’industrie automobile dans une situation de dépendance inconfortable.
D’où ce plan de rattrapage qu’appellent de ses voeux le BCG, avec cet enjeu de créer de nouvelles filières du lithium, de l’extraction au raffinage. Y compris en Europe ? Ces dernières années, plusieurs projets de production de lithium se sont confrontés à de fortes oppositions locales, de la région de Loznica, en Serbie, à Tréguennec (Finistère), en passant par le Portugal. De ce problème d’acceptabilité sociale,ilestpossibled’en«faireunatout, assure Cécilia Mattea, responsable véhicule propre de l’ONG Transport & Environment. En poussant les entreprises minières à adopter les meilleurs standards sociaux et environnementaux possibles lorsqu’elles extraient le précieux métal. »
Vers un métal plus propre
C’est l’autre enjeu clé du lithium : le sortir le plus proprement possible. Des marges de progression existent. Cécilia Mattea évoque la «DLE» pour « direct lithium extraction », une « technique qui permettra d’en extraire davantage en utilisant moins d’eau », assure-t-elle. Autre piste : le lithium géothermique. Les centrales géothermiques produisent de la chaleur en transformant en vapeur l’eau contenue dans les nappes souterraines. L’idée est de profiter de cette eau remontée des profondeurs pour en récupérer le lithium, avant de la réinjecter dans le sol. Une façon de faire d’une pierre deux coups, à moindre coût environnemental. « Le problème de l’acceptabilité sociale se pose moins, car la centrale géothermique existe déjà », note Emmanuel Hache.
La preuve : des unités pilotes de production de lithium géothermique ont déjà vu le jour. Mais il ne devrait que peu subvenir à la demande. « C’est déjà une façon de nous faire prendre conscience de la richesse de notre soussol et du fait qu’il nous faudra le (ré)exploiter, certes le plus proprement possible », estime l’expert de l’Ifpen, qui en fait l’un des enjeux clés de la transition énergétique.