MONEY JUNGLE, NOTRE FEUILLETON
David d’Équainville (éditeur et auteur) et Pascal Henry (journaliste d’investigation et réalisateur) ont raconté lors des deux premières saisons de Money Jungle, une série librement inspirée de faits réels, les mésaventures de l’oligarque Oleg Chestov, occupé à sauver sa fortune. Celui-ci, affaibli par un cancer, obligé de jouer un double jeu avec les Américains et les Russes pour échapper aux conséquences de la guerre en Ukraine, voit le Royaume comme le dernier refuge possible. À la condition qu’il réussisse à nouer les bonnes alliances et à se débarrasser de son encombrant passé.
Résumé de l’épisode 21 : Âbimé par le cancer et en chaise roulante, Oleg Chestov prend un avion de ligne pour se rendre aux États-Unis et se faire soigner dans une clinique réservée aux ultrariches. Un traitement de la dernière chance. Il en oublie les histoires du Royaume, excepté le tour pendable imaginé contre ses alliés avant son départ.
Un rendez-vous royal
C’est en montant le somptueux escalier de la cour d’honneur du palais, orné de marbre noir veiné d’or, que le Prince ressentit une grande lassitude.
C’était la première fois qu’il éprouvait ce sentiment diffus de ne pas être à sa place. À deux pas, dans la galerie aux fresques immémoriales, se tenaient les appartements privés où il aimait se reposer, mais ses fonctions princières l’en détournaient la plupart du temps, et il se retrouvait devant ses ancêtres, nez à nez avec leurs bustes de marbre.
Cette histoire, il ne la sentait plus. Les visages sculptés des membres de sa famille, son père, son grand-père, tous ceux qui avaient oeuvré à la prospérité du Royaume avec autorité le laissaient indifférent. Pourtant, le souvenir de leurs actions l’avait toujours rempli d’importance, le Prince aimant se sentir plus que jamais dépositaire de responsabilités et de l’avenir du Royaume. Mais le contexte n’était plus à l’autosatisfaction. L’ampleur des manoeuvres de Patros et de sa clique d’avocats - qui sortaient les juges de la torpeur où les usages du Royaume les avaient confinés - la maladie de Chestov, qui s’aggravait, toute cette agitation le gênait et l’empêchait d’être Prince comme il en avait l’habitude. L’unique certitude à laquelle il essayait de se raccrocher était qu’il n’était pas question, à quelques mois de la date anniversaire du Royaume, de renoncer à son rôle de monarque. Que sa légitimité soit remise en cause ne l’empêcherait pas de chanter « joyeux anniversaire » avec ses sujets. Après, qui sait, peut-être que le Prince prendrait certaines décisions inattendues. (à suivre)