Épisode 9 : Confidences d’hôpital

Je ne suis pas resté à m’esquinter les yeux sur les clichés de l’accident, j’ai préféré aller recueillir des souvenirs. À Pontchaillou, je suis aussi à l’aise dans mes rangers qu’une souris en talons aiguilles, pour une audition incertaine. André Mésieux ne bronche pas quand j’ouvre la porte.

– Bonjour, je suis le lieutenant Brice Caley. J’ai des questions à vous poser à propos de l’accident qui vous a envoyé ici.

Il se redresse sur son séant, le matelas en plastique crisse, la douleur crispe ses traits.

– Écoutez, lieutenant, je me rappelle être dans mon camion, et, l’instant d’après, j’étais dans celui des pompiers. Je ne sais même pas ce qui s’est passé, ni dans quel état est mon camion. Les docteurs disent que ma mémoire va revenir, qu’il faut du temps. Son regard se perd de nouveau vers l’extérieur. – Les pompiers ont parlé d’un autre véhicule, reprend-il, mais personne ne veut me dire comment vont les personnes qui étaient dedans. Du coup, j’attends. Je l’observe attentivement. Il semble ignorer la mort de l’autre conducteur. – Qu’est-ce que vous attendez exactement ? Votre mémoire ?

– J’attends demain. Enfin, je saurai dans le journal ce qui s’est passé.

Puis, comme si son cerveau se réveillait, il me demande :

– Vous m’avez dit que vous travaillez dans quel service déjà ?

– Je ne vous l’ai pas dit. Je suis lieutenant à la brigade criminelle de Rennes.

Le sang quitte son visage à mesure que son esprit en déduit les réponses à ses questions.

– La Crim ? Je ne suis pas un criminel, bredouille-t-il. L’infirmière frappe à la porte.

– C’est l’heure! annonce-t-elle en entrant.

Les yeux de l’homme se révulsent. Sa main se pose sur sa poitrine. Un cri silencieux se meurt. (à suivre)