20 Minutes (Paris)

La place de la République entre art et mémoire

Quel avenir pour les graffitis en hommage aux victimes ?

- Romain Lescurieux

Les bombes sont au sol. La peinture encore fraîche. « Si une personne fait mieux, elle a le droit de repasser », lance l’artiste Un gars dans la rue. Les et deux autres graffeurs – Joris Delacour et Daria la Russe – viennent d’achever leur oeuvre sur l’un des murs de la place de la République. Un clin d’oeil au Paris de Robert Doisneau, mais aucune référence aux attentats de novembre. Pourtant, après les événements, de nombreuses oeuvres en hommage aux victimes et à Paris ont été graffées dans le quartier. Trois mois après, les graffeurs s’opposent pour le contrôle de ces murs. La célèbre devise de la ville, « Fluctuat nec mergituc », inscrit en blanc sur fond noir, trône toujours sur la place et près du canal Saint-Martin. Néanmoins, un « libérez ce mur » a furtivemen­t été inscrit à côté. Contacté par 20 Minutes, le collectif de graffeurs parisiens à l’origine de l’oeuvre refuse de répondre, mais veut que leur graff reste affichée et fait tout pour. D’autres en revanche ont abdiqué face aux « assauts ». « Nous aurions aimé que notre peinture reste. Nous avons essayé de retoucher, mais au bout d’un moment c’était trop », affirme un des membres du collectif Oignontoma­tesalade, auteur d’un « Paris je t’aime » sur l’un des murs de la palissade de la place de la République. « Ces oeuvres ont été réalisées sur des murs tolérés. Autrement dit, les autres graffeurs ont le droit de repasser », ajoute-t-il, regrettant que certains ne respectent pas les « règles » : « Si quelqu’un repasse, il doit le faire correcteme­nt, sinon, il salit. » « Il y a un devoir de mémoire, mais il ne faut pas être piégé, ça doit bouger », appuie Un gars dans la rue. « Après, celui qui prendra par exemple le risque d’aller peindre le Fluctuat sera sûrement mal vu. Personne ne voudra être le premier à le saccager », surenchéri­t Joris Delacour.

« Il y a un devoir de mémoire, mais il ne faut pas être piégé. »

Un gars de la rue, graffeur

Un mur légal ? Les habitants du quartier sont partagés. « On a envie que ces oeuvres de souvenir restent. Mais le fait qu’elles soient repassées prouvent que la vie reprend », soutient Florence, 50 ans. « Ces graffitis ne font que nous rappeler les moments difficiles. Et en même temps, ça fait partie de notre quotidien » débite Léa, 28 ans. Certains collectifs aimeraient un mur « légal » avec une autorisati­on spéciale. Contactée par 20 Minutes, la Mairie dit « réfléchir » à la situation.

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