« Repenser notre rapport au travail »
Les deux scénaristes de « Trepalium » reviennent sur la nouvelle série d’Arte
La France a connu fin 2015 son plus haut taux de chômage depuis 1997 : 10,2 %. Et s’il s’envolait jusqu’à 80 %, obligeant le gouvernement à séparer les 20 % d’actifs des autres, créant une ville aseptisée et une « zone » cauchemardesque ? Point de départ de la série « Trepalium », diffusée dès ce jeudi soir sur Arte, l’hypothèse est fantaisiste, mais invite – c’est la force du genre de l’anticipation – à la réflexion. 20 Minutes a rencontré ses deux scénaristes Sophie Hiet et Antarès Bassis. Que vouliez-vous proposer avec « Trepalium » ? Sophie Hiet : La thématique du travail nous intéresse depuis plus de dix ans : le fait d’en avoir ou pas définit la place de l’individu dans la société, voire l’identité même des gens… Antarès Bassis : Nous avons développé l’idée des actifs forcés de faire travailler des chômeurs dans L’Emploi vide, un moyen métrage (2007). Mais nous voulions continuer cette réflexion et la pousser dans quelque chose de romanesque. Il y avait quelque chose de télévisuel à creuser. Une fois dans les mains d’Arte, le projet a-t-il évolué ? S. H. : Le point de vue des politiques était absent quand nous l’avons proposé à Arte. En nous donnant son accord, la chaîne l’a réclamé à propos de ce monde coupé en deux. Comment expliquez-vous qu’il existe si peu d’anticipation en France ? A. B. : En France, notre rapport est un peu complexe avec l’anticipation au cinéma. On a une littérature d’anticipation, mais il y avait peu de propositions cinématographiques ou télévisuelles. Je suis personnellement un gros fan d’Alphaville de Godard et de Fahrenheit 451 de Truffaut. S. H. : C’est en train de changer. Arte est un endroit génial pour tenter des choses. « Real Humans » a ouvert la voie. Arte s’est dit que ça marchait, que le décalage fonctionne si on a des personnages et une histoire forte. Quel est pour vous le message de « Trepalium » ? S. H. : Il est urgent de repenser notre rapport au travail. Le plein emploi est fini, il n’y aura plus jamais de boulot pour tout le monde. Il est vraiment important de redéfinir les repères, de rappeler que le travail ne fait pas la valeur des gens. Pour la sociologue Dominique Meda, « une société qui met sur un pied d’égalité le travail et la souffrance est une société qui va mal ». Si les gens peuvent réfléchir à cela avec « Trepalium », ce serait super.