Les cerveaux enfumés des ados
Les Français sous-estiment la nocivité du cannabis sur l’équilibre psychiatrique des jeunes
Comment faire passer efficacement un message scientifique au grand public ? La question taraude quotidiennement Pier Vincenzo Piazza, professeur en neurosciences et chercheur sur les mécanismes de l’addiction aux drogues. Pour lui, la méconnaissance globale des Français sur les risques que représente le cannabis sur le cerveau des jeunes est « l’un des plus gros ratés de l’histoire en matière de transmission de l’info de la science au public ». Un tout récent sondage Ifop commandé par la Mildeca (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives)*, illustre l’ampleur du décalage. Concernant l’usage de cannabis à l’adolescence, 23 % des Français pensent que les effets sur le cerveau s’arrêtent juste après avoir arrêté de fumer. Ils sont aussi nombreux à penser que le cannabis n’a pas de conséquences sur l’activité cérébrale à long terme. Dans les heures qui suivent l’usage decannabis, l’attention, le temps de réaction et la mémoire de travail sont troublés. Il existerait aussi une corrélation entre l’usage et les tentatives de suicide, la boulimie et les comportements sexuels à risques, selon plusieurs études. Si ces troubles tendent à disparaître dans les mois qui suivent un arrêt de la consommation, ils peuvent persister chez l’adolescent. Anxiété et schizophrénie Le Pr Marie-Odile Krebs, chercheuse et praticienne en psychiatrie, alourdit le tableau en évoquant les risques cognitifs et psychiatriques : « L’abus et la dépendance s’observent dans la période charnière de 15-25 ans. Or, c’est à cet âge-là que débutent les principaux troubles psychiatriques de l’adulte », dont les troubles anxieux, de l’humeur, la schizophrénie et la dépression. Régulièrement, elle entend de jeunes consommateurs jurer que leur joint du soir n’a aucune incidence sur leur système cognitif. « Ben, si, peste la scientifique. Lorsque la dépendance et l’abus sont présents à 18 ans, on voit un effet sur le fonctionnement intellectuel global à l’âge adulte, même chez ceux qui ne consomment plus de cannabis. L’effet âge est important. » Dans le cerveau, une réduction de la taille des dendrites et une diminution de la plasticité neuronale est observée. Bref, en d’autres termes, les neurones subissent une sérieuse crise de croissance. * Etude menée sur un échantillon de 1001 personnes représentatif de la population française.