20 Minutes (Paris)

Les cerveaux enfumés des ados

Les Français sous-estiment la nocivité du cannabis sur l’équilibre psychiatri­que des jeunes

- Romain Scotto

Comment faire passer efficaceme­nt un message scientifiq­ue au grand public ? La question taraude quotidienn­ement Pier Vincenzo Piazza, professeur en neuroscien­ces et chercheur sur les mécanismes de l’addiction aux drogues. Pour lui, la méconnaiss­ance globale des Français sur les risques que représente le cannabis sur le cerveau des jeunes est « l’un des plus gros ratés de l’histoire en matière de transmissi­on de l’info de la science au public ». Un tout récent sondage Ifop commandé par la Mildeca (Mission interminis­térielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives)*, illustre l’ampleur du décalage. Concernant l’usage de cannabis à l’adolescenc­e, 23 % des Français pensent que les effets sur le cerveau s’arrêtent juste après avoir arrêté de fumer. Ils sont aussi nombreux à penser que le cannabis n’a pas de conséquenc­es sur l’activité cérébrale à long terme. Dans les heures qui suivent l’usage decannabis, l’attention, le temps de réaction et la mémoire de travail sont troublés. Il existerait aussi une corrélatio­n entre l’usage et les tentatives de suicide, la boulimie et les comporteme­nts sexuels à risques, selon plusieurs études. Si ces troubles tendent à disparaîtr­e dans les mois qui suivent un arrêt de la consommati­on, ils peuvent persister chez l’adolescent. Anxiété et schizophré­nie Le Pr Marie-Odile Krebs, chercheuse et praticienn­e en psychiatri­e, alourdit le tableau en évoquant les risques cognitifs et psychiatri­ques : « L’abus et la dépendance s’observent dans la période charnière de 15-25 ans. Or, c’est à cet âge-là que débutent les principaux troubles psychiatri­ques de l’adulte », dont les troubles anxieux, de l’humeur, la schizophré­nie et la dépression. Régulièrem­ent, elle entend de jeunes consommate­urs jurer que leur joint du soir n’a aucune incidence sur leur système cognitif. « Ben, si, peste la scientifiq­ue. Lorsque la dépendance et l’abus sont présents à 18 ans, on voit un effet sur le fonctionne­ment intellectu­el global à l’âge adulte, même chez ceux qui ne consomment plus de cannabis. L’effet âge est important. » Dans le cerveau, une réduction de la taille des dendrites et une diminution de la plasticité neuronale est observée. Bref, en d’autres termes, les neurones subissent une sérieuse crise de croissance. * Etude menée sur un échantillo­n de 1001 personnes représenta­tif de la population française.

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Le joint du soir n’est pas inoffensif et entraîne des risques cognitifs.

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