« Bavure », le flow de Jo Le Phéno passe mal
Le rappeur est jugé pour « Bavure », sa chanson qualifiée d’ode à la haine des policiers
Le clip avait fait un tollé. Les syndicats de police étaient montés au front, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Bernard Cazeneuve, avait porté plainte, une audition avait été menée par la brigade de répression de la délinquance contre la personne… Ce mercredi, le rappeur Jo Le Phénomène, dit Jo Le Phéno, comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris pour provocation non suivie d’effet à commettre un crime ou une injure. En cause : les paroles de sa chanson « Bavure », considérées comme faisant l’apologie de la haine anti-policier. « Je pisse sur la justice et sur la mère du commissaire », « Il faut se défouler sur la flicaille » ou encore « Où sont les condés, on va les taper », chantait-il notamment dans son clip sorti en août sur YouTube. « Ce n’est pas un appel à la haine, assure son avocat, Me Saïd Harir. Jo Le Phéno raconte simplement le quotidien des jeunes qui vivent en banlieue et les violences policières qu’ils subissent au quotidien. Il n’y a qu’à regarder l’affaire Théo… » En plein débat sur les bavures policières, cet argument revêt un poids particulier. « Ce qu’il raconte, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg », insiste son conseil. NTM déjà en son temps Evoquer la police en des termes crus et violents, un thème exploité depuis longtemps par de nombreux rappeurs. Il y a plus de vingt ans, les foules scandaient en choeur « Assassin de la police », le refrain de « Police », chanson phare de Suprême NTM. Les paroles étaient tout aussi polémiques : « Donne-moi des balles pour la police municipale. » JoeyStarr et Kool Shen avaient été condamnés en 1996 à six mois de prison, dont trois ferme, pour « outrage » envers les policiers. La peine avait finalement été allégée à 50000 francs (7600 €) d’amende et deux mois avec sursis en appel. « En France, les gens s’imaginent que dès qu’on fait du rap, on est violent et dangereux. Les paroles le sont parfois, mais pas ceux qui chantent. Les vrais méchants ne sont pas derrière un micro », poursuit Saïd Harir. Les condamnations d’artistes sont d’ailleurs relativement rares. En 2003, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait porté plainte contre le rappeur Sniper. Dans son morceau « La France », il déclarait notamment « on nique la France sous une tendance de musique populaire ». Le chanteur avait été relaxé. Cette fois, ce n’est pas à une entité abstraite, mais à un corps de métier que le rappeur Jo le Phéno s’en prend. Le jugement devrait être mis en délibéré.