Gros désaccord sur l’accord
Le volet environnemental du traité n’est pas, en l’état, concluant, selon la commission d’évaluation
Un accord qui manque d’ambition sur l’environnement et dont le climat est le grand absent. La commission d’évaluation du Ceta, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, l’écrit sans détour dans un rapport remis au gouvernement vendredi dernier. Qu’en retiendra Emmanuel Macron ? Réponse ce mercredi, avec la présentation des enseignements que le gouvernement tire justement de ce rapport. Pour Mathilde Dupré, de l’institut Veblen, un think tank sur la transition écologique, il n’y a pas à tergiverser : « Le rapport est suffisamment clair sur les risques encourus pour l’environnement et la santé. Le Ceta n’est pas compatible avec l’Accord de Paris sur le climat. » En abaissant drastiquement les droits de douane entre l’UE et le Canada, le Ceta favorisera les flux commerciaux entre les deux parties, et donc a fortiori les gaz à effet de serre induits par le transport des marchandises. En parallèle, les ONG craignent une harmonisation par le bas des normes sanitaires et environnementales. « Depuis cet été, le Canada autorise, par exemple, la commercialisation d’un saumon génétiquement modifié sans que rien ne le précise sur l’étiquetage, illustre Samuel Leré, de la Fondation pour la Nature et l’homme (ex-fondation Nicolas Hulot). Si le Ceta implique moins de contrôles sur les produits venus du Canada, comment s’assurer qu’ils n’atterrissent pas sur les marchés européens? »
Des marges de manoeuvre ? Autre problème : le pétrole issu des sables bitumineux, une technique d’extraction décriée sur le plan environnemental et « que le Canada produit et exporte déjà vers l’Europe, poursuit Samuel Leré. Le Ceta rendra la tâche plus difficile encore aux pays de l’UE qui souhaiteraient un jour se passer de ce type de pétrole. » Enfin, le Ceta prévoit d’autres dispositions qui, touchant à la souveraineté des Etats membres de l’UE, doivent d’abord être ratifiées par chaque parlement avant d’être appliquées. C’est le cas des recours aux tribunaux d’arbitrage. Ils permettraient à une multinationale de contester les politiques publiques et les réglementations nuisant à leurs bénéfices. Mathilde Dupré y voit une entrave aux Etats dans leur capacité à adopter des réglementations environnementales, mais aussi la possibilité offerte aux multinationales de faire traîner un dossier qui nuit à leurs intérêts. Mais est-il temps encore de s’opposer à un accord qui doit entrer en vigueur le 21 septembre? « Oui», espèrent Mathilde Dupré et Samuel Leré, qui rappellent que chaque Etat européen aura encore à ratifier cet accord.