« Nous pouvons avoir des femmes imames dans chaque pays du monde »
La Danoise Sherin Khankan a ouvert en 2016 à Copenhague la mosquée progressiste Mariam, ouverte à tout musulman et fondée sur le soufisme. Elle y célèbre des mariages interreligieux, dirige la prière et prononce le sermon du vendredi. L’imame publie ce mercredi le livre La femme est l’avenir de l’islam (éd. Stock), où elle évoque sa lutte contre l’islamophobie, les structures patriarcales et les interprétations conservatrices du Coran. Quel est le but de votre livre ? J’ai désiré raconter mon histoire et le processus pour mettre en place la mosquée Mariam. Féministe islamique, j’ai voulu cette mosquée car, lorsque vous devenez une institution, vous devenez plus fort, parce que vous avez le pouvoir d’influencer. Je souhaite aujourd’hui inspirer des musulmans afin de changer les structures patriarcales dans l’islam, dans la société, au sein de la famille. Pourquoi ce titre d’« imame » ? Je fais tout ce qu’un imam fait. Il est donc normal de réclamer ce titre. Par ailleurs, dans les premiers temps de l’islam, des femmes agissaient comme des imams. C’est une réforme sans en être une, car je reviens aux sources et m’inscris dans une tradition de brillantes enseignantes, théologiennes et imames. Il y en a en Chine depuis 1820, mais aussi aux Etats-Unis, en Allemagne ou en Afrique du Sud. Ma vision est que nous pouvons avoir des mosquées avec des femmes imames dans chaque pays du monde. Pourquoi avoir réservé la prière du vendredi aux femmes ? Pour changer les choses, il faut le faire progressivement et intelligemment. J’ai souhaité que des musulmans nous rejoignent dans notre projet, et pas que nous restions à faire une révolution dans notre coin. Mais rien qu’en ouvrant une mosquée avec des femmes imames, nous sommes allées très loin. Et nous faisons tomber un tabou en célébrant des mariages interreligieux. Etes-vous menacée ? Les menaces de mort que j’ai reçues ne viennent pas de musulmans, mais de l’extrême droite danoise. Je préfère cependant parler de mes soutiens, dont celui d’un imam de l’une des trois mosquées les plus fréquentées au monde, à Jakarta en Indonésie. Comment comprenez-vous la laïcité à la française ? Je crois qu’il y a un manque dans l’appréciation française de la laïcité. Pourquoi une femme voilée ne pourrait-elle pas travailler au Parlement? Cela représente une discrimination qui va à l’encontre de la déclaration des droits de l’homme.