Il anime des soirées pour les jeunes dans les cités
Yazid Kherfi crée des animations le soir pour les jeunes des cités livrés à eux-mêmes
Il faut suivre la musique, slalomer entre les tours grises pour finalement apercevoir une cinquantaine de personnes sous un barnum. Les pizzas viennent d’être livrées, il y a du thé à la menthe et du soda sur les tables. Un groupe joue à Puissance 4, à côté, ça discute, ça se charrie. On pourrait croire à une fête de quartier. Sauf que, dans la cité de La Source à Epinay-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, les fêtes de quartier, ça n’existe pas. « Y a jamais rien à faire ici le soir. Après, on s’étonne que les jeunes traînent dehors », assure Medhi, 23 ans. « Occuper le terrain » C’est en partant de ce constat que Yazid Kherfi a eu l’idée de monter il y a cinq ans l’association Médiation nomade. Objectif : recréer des lieux de vie dans les cités le soir, lorsque les centres sociaux et les maisons des jeunes ferment. « C’est parce qu’il n’y a plus personne pour veiller sur eux la nuit qu’ils font des conneries, qu’ils dealent ou qu’ils partent en Syrie. Si on ne tend pas les bras à ces jeunes, ce sont les délinquants ou les extrémistes qui le font. » Environ un soir par semaine, il installe donc son camping-car dans un quartier sensible pour « occuper le terrain. » « C’est la première fois que je vois autant de gens discuter ici », se réjouit Gloire, 23 ans. Les habitants racontent ce quartier qu’ils aiment autant qu’ils le détestent, les galères, le sentiment d’être abandonnés par les pouvoirs publics. Yazid Kherfi écoute, oriente parfois, mais ne fait jamais la leçon. Même quand il apprend que la soirée est organisée sur un point de deal. L’associatif n’est pas naïf, il n’ignore pas que certains des participants sont des « délinquants chevronnés ». L’homme de 58 ans sait de quoi il parle. Une adolescence au Val-Fourré à Mantes-laJolie, cinq ans en prison pour cambriolages et attaque à main armée. La prise de conscience a lieu à 31 ans alors qu’il est sur le point de se faire expulser. « Pour la première fois, des gens ont vu le bien en moi et se sont portés garants. » Le délinquant se promet de ne pas les décevoir. Il passe une validation des acquis de l’expérience, entame un cursus universitaire, jusqu’à devenir professeur à Nanterre. Il sait que le destin de ces jeunes ne va pas basculer en une soirée, mais espère convaincre les villes de l’importance d’ouvrir des structures le soir. Dans certaines communes, les horaires des maisons des jeunes ont été élargis, mais de nombreuses municipalités sont frileuses. Il y a peu, Yazid Kherfi a eu plusieurs échanges avec l’équipe du secrétaire d’Etat à la Cohésion du territoire. « Au moins, ils écoutent ce que j’ai à dire. On verra ce qu’ils en font ! »