Le Yémen s’enlise dans une crise humanitaire
L’Arabie saoudite a durci le blocus de ce pays en guerre depuis 2014
Les rares photos prises montrent des enfants au visage émacié, des files d’attente interminables devant les quelques points de ravitaillement et des bâtiments en ruines. Trois ans après le début du conflit, le Yémen s’enlise dans une grave crise humanitaire. L’Arabie saoudite a décidé, lundi, de durcir le blocus du pays faisant redouter, à terme, un risque de famine pour les 30 millions de Yéménites. 20 Minutes fait le point sur la situation alors que le Conseil de sécurité de l’ONU a exprimé, mercredi, son « inquiétude » face à « cette situation humanitaire catastrophique ».
Pourquoi l’Arabie saoudite a-telle décidé de durcir son blocus ? Le week-end dernier, le régime saoudien a une nouvelle fois intercepté un missile tiré dans sa direction par les rebelles houthis qui tentent, depuis 2014, de prendre le pouvoir au Yémen. L’Arabie saoudite est à la tête d’une coalition appuyée par les Etats-Unis qui agit pour soutenir les forces gouvernementales du Yémen réfugiées dans le sud du pays. En réaction, lundi, le pouvoir saoudien a décidé de durcir un peu plus le blocus des ports et des aéroports d’où l’aide humanitaire était jusqu’à présent acheminée.
Pourquoi l’ONU s’alarme-t-elle de la situation? « Il faut voir dans l’initiative saoudienne une force de durcissement de la situation sur place, explique Laurent Bonnefoy, chercheur en science politique au CNRS et auteur de l’ouvrage Le Yémen, de l’Arabie heureuse à la guerre (Fayard). Le pouvoir saoudien vise clairement l’escalade. » Pour ce qui est de la crainte d’une famine, évoquée par le Conseil de sécurité de l’ONU, Laurent Bonnefoy rappelle que, « jusqu’ici, l’Arabie saoudite assure qu’elle prend en charge l’aspect humanitaire de la crise. Mais sans que cela ne soit vérifiable. »
Quelle est la situation réelle sur place ? Difficile à dire, tant les informations ont du mal à filtrer. Le dernier bilan du conflit en cours date de janvier. L’ONU faisait alors état de 10000 morts. « On sait également qu’une épidémie de choléra a causé le décès de 3 000 à 4 000 personnes », indique encore Laurent Bonnefoy.
Faut-il voir la main de Mohammed Ben Salman derrière ce blocus ? Âgé de 32 ans, le prince héritier d’Arabie saoudite fait beaucoup parler de lui depuis quelques semaines. Le week-end dernier, il a fait arrêter une quarantaine de personnalités publiques, dont des opposants, au titre de la lutte anticorruption. Controversé, celui que les médias surnomment « MBS » pourrait prendre la succession du roi Salman, son père, que l’on dit âgé et vieillissant.Il a fait son apparition dans la sphère publique en devenant, en 2015, ministre de la Défense. A l’époque, c’est lui qui a déclenché l’offensive sur le Yémen voisin. « C’est à partir de cet acte qu’il a commencé à manifester sa légitimité à prendre le pouvoir dans son pays », analyse Laurent Bonnefoy.