La Ville et le ministère divisés sur le dossier des migrants
Politique La Mairie veut une mise à l’abri alors que le ministère de l’Intérieur souhaite une évacuation des camps
Au dernier moment, Sirak, 24 ans, se ravise. « S’il vous plaît, ne publiez pas la photo. Si ma famille tombe dessus… » A ses proches restés en Érythrée, cet ancien pêcheur a assuré qu’il avait trouvé un appartement à Paris, avec vue sur la tour Eiffel. Comment leur dire que depuis son arrivée il y a un mois, il vit dans une tente sur les bords du canal de Saint-Denis ? Si Sirak ne s’indigne pas, attendant d’obtenir l’asile pour « commencer sa vie », Hamid, 19 ans, qui vit de l’autre côté du camp du Millénaire (porte d’Aubervilliers), ne cache pas son désespoir. « Personne ne nous considère comme des êtres humains, lâche-t-il. Les humains ne vivent pas comme ça. » Lui est arrivé en France il y a six mois et a connu le camp de la Chapelle.
« Que la mairie et le ministère s’installent autour d’une table. » Pierre Henry, président de France terre d’asile
Au total, 2 400 migrants ont trouvé refuge dans des camps de fortune parisiens, précise France terre d’asile. Jeudi, une trentaine d’associations ont lancé une pétition pour « demander une opération de mise à l’abri humanitaire d’urgence garantissant un hébergement digne ». Elles décrivent un « climat d’extrême précarité » à l’origine de tensions. Le 13 mai, un Soudanais a été transporté en état d’urgence absolue après une bagarre. « Les rixes sont de plus en plus fréquentes, chaque centimètre carré est l’objet de convoitise », précise Pierre Henry, le président de France terre d’asile. Par cet appel, qui a déjà réuni 13 000 signatures, les associations tentent de sortir du bras de fer qui oppose la Mairie au ministère de l’Intérieur. Ainsi, Anne Hidalgo a mis en garde Gérard Collomb dans une lettre sur une situation « intenable et inacceptable sur le plan humanitaire ». Dans sa réponse datée du 9 mars, le ministre de l’Intérieur invite la maire de Paris à « entamer les procédures judiciaires » pour permettre à l’Etat de mener à bien l’évacuation. D’un côté comme de l’autre, on se renvoie la balle. De 2015 à l’été 2017, plus d’une trentaine d’opérations de mises à l’abri ont eu lieu, sans que cela n’engendre de telles tensions... Pourquoi, cette fois-ci, ça bloque ? Au ministère, on assure qu’une mise à l’abri est impossible, car de nombreux migrants refusent des solutions d’hébergement. Faux, rétorque la Mairie qui pointe un durcissement de la politique gouvernementale en matière d’immigration. Pierre Henry souhaite que les « deux parties s’installent autour d’une table et trouvent des solutions ». Caroline Politi