« J’étais un jouet entre leurs mains »
Eva Loubrieu, l’une des deux accusatrices de l’élu, a livré mercredi sa version des faits sans parvenir à en lever les imprécisions
Emprise ou consentement, déception amoureuse ou déclic soudain. Mercredi, devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis, qui juge depuis deux semaines le maire LR de Draveil Georges Tron et son adjointe Brigitte Gruel pour « viols » et « agressions sexuelles » en réunion, les thèses défendues par les accusés et les plaignantes se sont longuement affrontées. Sans que l’une ne parvienne véritablement à engloutir l’autre. Sept heures durant, Eva Loubrieu, une relieuse de 44 ans passionnée de littérature, a été interrogée. Comme l’autre plaignante, Virginie Ettel, elle accuse les deux élus d’attouchements et de pénétrations digitales survenus entre 2007 et 2009. A cette époque, Eva Loubrieu, «divorcée, sans emploi», a dû « retourner vivre chez [s]es parents avec [s]on fils sous le bras». Au printemps 2006, elle se rend à la permanence parlementaire de Georges Tron. Suit un dîner, au cours duquel l’élu lui fait du pied. Pourquoi ne pas avoir réagi, interroge le président : «C’était le député-maire, j’étais impressionnée. Potentiellement, j’allais pouvoir avoir du travail», répond-elle.
Pas de « non » catégorique
Embauchée en CDD à la mairie à partir de janvier 2007, Eva Loubrieu évoque ensuite un « rituel » mis en place par le maire avant les séances de réflexologie, puis d’attouchements et de pénétrations digitales. Un temps, reconnaît-elle, elle croit à «une relation affective naissante» avec Georges Tron. Mais elle affirme avoir pris « conscience » de « l’emprise» exercée par l’édile lors d’une discussion avec l’ex-attachée parlementaire de ce dernier, Chrystelle S., qui lui confie ses propres relations avec le député. La plaignante assure alors avoir dit au maire « qu’elle ne voulait pas que les choses continuent ainsi », sans pour autant avoir émis un «non» catégorique. Les séances se sont poursuivies.
« Je n’ai jamais eu aucun plaisir, ni aucune envie, ni aucun désir, insistet-elle. J’ai mon corps qui était là sans être là, j’étais un jouet entre leurs mains. » Son état psychologique se dégrade alors, sa consommation d’alcool augmente. Mais la mère de famille s’accroche à son poste, décrit la « peur de l’humiliation » et son « assujettissement vis-à-vis de monsieur Tron ».
Si Eva Loubrieu n’a jamais varié dans ses accusations, son récit est marqué par de nombreuses approximations. Ainsi, Georges Tron a fait constater par huissier les nombreux SMS qu’elle lui avait envoyés. L’avocat de l’accusé lui fait remarquer qu’elle n’est pas en mesure d’indiquer le nombre de viols qu’elle aurait subis. Le conseil de Brigitte Gruel s’engouffre dans la brèche, relevant que certaines scènes qu’elle décrit ont eu lieu en pleine journée sans que personne n’entende rien. Le procès doit se poursuivre jusqu’au 15 novembre.