Ça fond comme neige au soleil
CFootPba2l4ll A cause du réchauffement climatique, le déroulement de la saison de ski de haut niveau est fortement perturbé
Levi, Finlande, mi-novembre. Marcel Hirscher et Mikaela Shiffrin s’imposent, sans grande surprise, lors des slaloms, dans des conditions, elles, déroutantes pour la saison. La piste, faiblement et artificiellement enneigée, contraste avec la verdure des sapins environnants. Les températures peinent à rester sous zéro. « Le minimum qu’on ait eu à Levi, c’est -9 °C, et c’est dans le cercle polaire », s’inquiète Christophe Saioni, entraîneur des équipes de France de ski alpin, qui ne manque pas de rappeler que des années en arrière, on descendait jusqu’à -20 °C au même endroit. Les pôles se réchauffent et les glaciers les suivent au même rythme.
Du coup, c’est le terrain de chasse estival des skieurs alpins qui se dégrade. Johan Clarey, dont les premières années ont été bercées par les pistes enneigées de Tignes, peut en témoigner : « Sur les dix dernières années, la fonte s’est accélérée, à tel point que, cet automne, on n’a pas pu s’entraîner là-bas. » Le Haut-Savoyard évoque un tiers de temps de ski en moins pendant la préparation, en comparaison à la décennie précédente.
Contre l’indoor
Pour skier l’automne, il faut donc aller voir ailleurs, dans l’hémisphère Sud. Depuis le début du siècle, au moins une partie des groupes de ski alpin français dévale les pentes d’Ushuaia (Argentine) pour préparer la saison. Et au rythme où vont les choses, il ne sera plus possible de faire autrement. « J’ai besoin de faire du ski pour m’entraîner, alors, une fois par an, je pars dans un pays lointain et je prends un avion qui consomme du kérosène avec 400 personnes», déplore la skieuse Anne-Sophie Barthet.
Mais, de retour en Europe, la galère persiste. Le combiné, la descente et le Super-G dames, dans une semaine à Val-d’Isère, ont déjà été annulés faute de neige et de grand froid. « Il faut repenser notre sport», clame Johan Clarey, qui milite pour une Coupe du monde condensée. Tous nos intervenants sont, en tout cas, contre, le développement de l’indoor. « Au niveau écologique, ça serait catastrophique, reprend Clarey. Et puis le ski, pour moi, c’est la liberté. » Surtout, l’option d’aller skier dans un frigo à Dubaï en 2050 serait synonyme de disparition de certaines épreuves. «La descente et le Super-G n’existeraient plus, car ces disciplines demandent du dénivelé », indique Barthet.
Alors, le fatalisme commence à prendre le pas chez les skieurs. « Dans l’avenir, je ne sais pas si on va pouvoir continuer de faire du ski de compétition», se désole Clarey. Pour lui, si la morale et la conscience écologique ne s’en chargent pas, l’économie le fera à leur place : « Le ski va évoluer, devenir plus cher et élitiste. Fatalement, il y aura moins de pratiquants. » Reste à savoir qui périra en premier : les neiges d’altitude, ou le ski de très haut niveau ?