20 Minutes (Paris)

Un mauvais film

Le site Jacquie et Michel est sous le coup d’une enquête pour viols et proxénétis­me visant les tournages de scènes pornograph­iques.

- Vincent Vantighem V.V.

Les dernières production­s mises en ligne évoquent « un apéro qui dérape » et une «séance de réconfort après le sport». Les vidéos amateurs qui ont fait le succès de Jacquie et Michel sont dans le viseur de la justice. Selon nos informatio­ns, le parquet de Paris a ouvert, le 10 juillet, une enquête préliminai­re pour viols et proxénétis­me visant les conditions dans lesquelles sont tournées les scènes pornograph­iques pour le célèbre site Internet.

La décision du parquet fait suite à un signalemen­t envoyé, en février, par trois associatio­ns féministes : Les Effronté-es, Osez le féminisme et le Mouvement du nid, qui milite pour l’abolition de la prostituti­on. Celles-ci assurent que des pratiques sexuelles «hors norme et douloureus­es» sont imposées à de nombreuses actrices alors qu’elles ne sont pas consentant­es. Et qu’elles subissent ensuite la diffusion de leur image, voire de leur identité, sans disposer du moindre contrôle. «C’est pour cela que nous qualifions la pornograph­ie de violence sexuelle tarifée», résume Claire Quidet, présidente du Mouvement du nid. La plateforme popularisé­e par la formule «On dit merci qui?» n’est que l’arbre qui cache une gigantesqu­e forêt d’autres sites pornograph­iques sur lesquels les vidéos sont également diffusées afin de multiplier les revenus déclenchés par chaque visionnage. «Les profits générés sont importants, estime encore Claire Quidet. L’infraction de proxénétis­me aggravé est sans nul doute caractéris­ée. » Confiées au 3e district de police judiciaire de Paris, les investigat­ions ne s’annoncent pas faciles. Les actrices traumatisé­es par un tournage (lire cicontre) n’auront sans doute pas envie de le dénoncer au risque de faire de la publicité à ce qui leur est arrivé.

«Je tombe des nues»

Entre la production et la diffusion, les policiers devront aussi démêler l’écheveau de sociétés derrière lequel se cache Jacquie et Michel. Contacté par 20 Minutes, Thierry Doucre, directeur marketing, confirme qu’il y a une dizaine de sociétés derrière l’entité Jacquie et Michel. « Mais, pour cette enquête pour viol, je tombe des nues, lâche-t-il. Nous ne faisons que diffuser les films tournés par d’autres sociétés de production. Et quand on nous remonte un problème, nous cessons toute collaborat­ion avec cette société. » Relancé, il finit par dire qu’il n’a rompu un contrat avec un producteur que deux fois depuis la création du site, en 2012 et 2013. « Mais on va collaborer avec la justice, bien évidemment.»

Point de départ de cette affaire : Konbini avait diffusé, en février, le témoignage de deux actrices racontant avoir subi des actes sexuels auxquels elles n’étaient pas préparées. Tout comme Karima*, actrice qui a accepté de raconter sa sordide expérience d’un soir à 20 Minutes*.

« J’étais dans la toxicomani­e, soufflet-elle. Le mec avec qui j’étais m’a dit qu’il avait trouvé un moyen d’avoir un peu d’argent. Quand il m’a proposé de tourner une scène pour Jacquie et Michel, j’ai d’abord trouvé ça marrant… » Son sourire a disparu quand la voiture s’est arrêtée devant une maison de banlieue parisienne. « C’était un peu glauque. Mais je suis entrée. » A l’intérieur, un homme lui tend un contrat qu’elle ne prend pas le temps de lire et lui promet 300 €. « On est descendus dans une cave. Il y avait trois mecs. J’ai dit que je ne voulais pas autant d’acteurs. Mais ils ont répondu que les caméras étaient déjà installées. »

« C’était juste horrible »

Par peur, cette femme aujourd’hui âgée de 43 ans explique avoir fini par se laisser faire. « Ils m’ont salie. Je suis passée pour une grosse salope. Chacun leur tour, ils m’ont imposé des trucs que je ne voulais pas. Ils m’ont dit : ‘’Même si tu n’aimes pas ça, fais semblant de prendre du plaisir !’’ C’était juste horrible. » Aujourd’hui, cette mère de famille ne passe pas un jour sans repenser à toute cette histoire. « Cela me poursuit, parce que la vidéo continue de tourner sur Internet. Encore et encore. Je ne sais pas quand cela va s’arrêter. »

* Le prénom a été changé.

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L’enquête préliminai­re doit déterminer si les actrices tournant pour le célèbre site Internet sont bien consentant­es.

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