20 Minutes (Paris)

Le (top) chef Mory Sacko et sa cuisine riche en influences

Chaque vendredi, un témoin commente un phénomène de société

- Propos recueillis par Stéphane Leblanc

C’est la sensation food depuis que Mory Sacko a ouvert en septembre une adresse parisienne à la triple influence française, africaine et japonaise : Mosuke (14e). A 28 ans, l’ancien candidat de « Top Chef » 2020 est un surdoué de la cuisine.

Comment allez-vous depuis l’annonce, mercredi , qu’un couvrefeu serait instauré dès samedi ?

En fait… moyen plus. Moyen, parce qu’on savait qu’on avait une épée de Damoclès au-dessus de la tête depuis l’ouverture de Mosuke. Plus, parce que, voilà, l’épée est tombée, mais on l’avait anticipé. On va dégainer une offre complèteme­nt différente, de plats à emporter midi et soir. Mosuke va devenir Mosugo !

Si l’ouverture de votre restaurant était si attendue, c’est parce que vous avez fait « Top Chef » ?

En général, je déteste les concours. Mais on m’a conseillé de soumettre ma cuisine aux critiques de grands chefs pour savoir ce qu’ils en pensent, mais aussi profiter d’un tremplin médiatique qui facilite l’obtention d’un prêt bancaire… C’est surtout après l’émission que j’ai pu mesurer à quel point ça s’était bien passé.

Ce n’est pas si fréquent de croiser un chef noir dans un restaurant gastronomi­que à Paris. Avez-vous été confronté à des préjugés ?

C’est sûr que le fait d’être noir, et, surtout, un chef noir en cuisine, ce n’est pas un modèle auquel on est habitué. Mais j’ai toujours eu à coeur de rester moi-même. Ma couleur de peau, c’est littéralem­ent pas important. En ayant cette attitude, les gens se disent : «Ce mec est noir, oui et alors, ça n’a pas l’air de le déranger, il ne doit pas y avoir de problème.»

Malgré tout, l’Afrique se voit dans vos assiettes !

Oui, et je le revendique, parce que je pense que la cuisine africaine n’est pas assez représenté­e d’un point de vue gastronomi­que. En tant qu’afrodescen­dant, j’essaie de démocratis­er cette cuisine, mais à ma façon. Cette Afrique que je mets dans mes plats, elle vient de ce que je mange depuis mon enfance, mais avec d’autres influences, françaises forcément, parce que ce sont les bases que j’ai apprises, et japonaises, parce que j’ai une passion pour ce pays. On sent bien chez vous cette triple alliance des saveurs : un filet de sole dans une feuille de bananier, une boule de riz japonaise grillée au chalumeau… Si on comprend votre passion pour l’Afrique et la France, d’où vous vient celle pour le Japon ?

Dans les mangas que je lisais enfant, on les voit tout le temps manger et ça a l’air bon ! Pourtant, le poisson cru, quand on est de tradition africaine et nourri au mafé et au yassa, ce n’était pas évident…

Avez-vous toujours eu la volonté de faire de la haute gastronomi­e ou est-ce le hasard de votre parcours ?

J’ai un parcours un peu en montagnes russes. Si je suis entré à l’école hôtelière à 14 ans, c’est parce que je suis un enfant de la télé et que j’avais plaisir à regarder des émissions sur les palaces : le luxe, la créativité, l’excellence. Je me disais : « Cet univers me plaît, ça a l’air sympa. » Et je me suis retrouvé commis au Royal Monceau où, au bout d’un an, on me proposait de créer un plat pour la carte du restaurant, ça a été le déclic. J’ai passé ensuite six mois au Shangri-La. C’était une expérience plus classique, très carrée, limite rigide… où le chef décide de tout. Moi, j’ai une manière de travailler qui est plus cool, plus humaine… et plus participat­ive. Comme au Mandarin

Oriental. Là-bas, tout ce que j’ai appris d’un point de vue managérial, ça vient du chef Thierry Marx. A mon tour d’insister pour que mon commis n’ait pas peur de venir me dire : «Chef, j’ai une idée, on pourrait essayer ça ? »

Avez-vous le souvenir d’un conseil en particulie­r ?

Ce chef répète toujours qu’il faut être dur avec les faits et bon avec les hommes. Le premier jour en cuisine, la première chose qu’il m’a dite, c’est : « Détends-toi ! Tout va bien se passer. Le chef c’est moi, c’est un fait, mais je suis là pour toi. » C’est là que j’ai compris qu’être sympathiqu­e ou humain n’est pas un signe de faiblesse, contrairem­ent à ce que certains en cuisine essaient de faire croire.

« J’ai toujours eu à coeur de rester moi-même. »

«Ce que j’ai appris au niveau managérial vient de Thierry Marx. »

 ??  ?? Mory Sacko dans le restaurant qu’il a ouvert début septembre à Paris, Mosuke, le 12 octobre 2020.
Mory Sacko dans le restaurant qu’il a ouvert début septembre à Paris, Mosuke, le 12 octobre 2020.

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