Le genre, un vrai cas appart ?
Partenaire des Journées nationales de l’architecture, «20 Minutes» s’est posé la question de la place des habitantes
On le sait depuis quelques années déjà, et des recherches l’ont montré : l’espace public est fait pour les hommes. Mais quid des bâtiments ? Ce qu’on appelle « l’architecture égalitaire » est une démarche balbutiante, mais qui connaît déjà quelques réalités tangibles. Pour le moment, aucun projet avec une vision de « genre » clairement pensée et affirmée comme telle n’est sorti de terre en France. Un projet est en cours, mené à Villiers-le-Bel (Val-d’Oise) par le bureau d’études Genre et Ville, cofondé et coordonné par Chris Blache, qui a édité un guide pour « garantir l’égalité dans les logements ». Ce sera le premier « vrai » projet de ce type. Mais des agences urbaines ont avancé en ce sens, parfois de façon empirique. Et surtout sans l’expliciter auprès des promoteurs immobiliers. « La question des démarches de genre peut être mal perçue en France, l’immobilier c’est un monde d’hommes », lâche Thomas Huguen, gérant de la Scop Archi-Ethic.
Une « pièce à soi »
A Strasbourg, son agence s’est aperçue que l’immeuble qui lui était confié, le LieuCommun, allait être occupé pour moitié par des familles monoparentales. Des femmes donc, surtout, dont on sait que, pour plus d’un tiers, elles disposent de revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Au LieuCommun, ce sont les locataires qui se chargent de l’entretien de l’immeuble. Résultat : le loyer a baissé de 15 %.
Dans les logements, l’entrée distribue tout de suite une grande chambre autonome, les chambres d’enfant étant bien séparées, au fond du logement, donnant sur le séjour. Cela permet d’avoir, selon les mots de l’écrivaine Virginia Woolf, une « pièce à soi » pour se retrouver. Le bâtiment est aussi doté d’un local avec une cuisine, une buanderie et une chambre d’ami collectives. Les 15 logements sont chacun desservis par un grand palier, éclairé, avec des fenêtres, « qui devient un vrai lieu de vie avec des tables et des chaises parfois », explique Thomas Huguen. Une manière de créer des liens, parfois cruciaux, pour ces femmes qui font tout toutes seules. « Prendre en compte la question des femmes, c’est dire : on n’est pas tous pareils, on ne peut pas appliquer un standard », explique Thomas Huguen. Pour Chris Blache, il y a « très peu de prise de conscience du secteur » sur ces questions de genre. Dans les écoles d’architecture, les cours sont quasi inexistants. Anne Labroille, architecte et urbaniste, cofondatrice de l’association MéMo, dont l’un des objectifs est précisément de sensibiliser les architectes à cette question, juge que, « pour l’instant, la plupart ne voient pas le sujet ». Ce temps viendra peut-être.