20 Minutes (Paris)

Le calvaire d’Evaëlle qui l’a poussée à se suicider

Un collégien minimise ses actes, qui auraient poussé Evaëlle au suicide, selon des procès-verbaux auxquels a eu accès «20 Minutes»

- Caroline Politi

Devant la juge d’instructio­n, deux des trois collégiens ont préféré garder le silence. A., lui, a décidé de parler. L’adolescent de 13 ans estime même « juste » sa convocatio­n. « Je lui ai quand même mis une baffe», reconnaît-il. Comme ses deux camarades, il a été mis en examen pour « harcèlemen­t», un an et demi après le suicide d’Evaëlle, 11 ans, retrouvée pendue dans sa maison d’Herblay (Val-d’Oise). Tout comme leur prof de français, soupçonnée d’avoir entretenu ce climat délétère.

Pour comprendre cette affaire, il faut se placer à hauteur d’enfant. Evaëlle essuie de vives moqueries en 6e. Ses copines lui tournent le dos. Dans les couloirs, les insultes pleuvent. Y compris celles de A., qui n’est pourtant plus dans sa classe. Un jour, il la traite de « pute » devant son frère. «Sans raison», reconnaît-il. Interrogé sur la notion de harcèlemen­t, A. est lucide : « C’est quand on va voir une personne et qu’on lui répète tous les jours des phrases comme “T’es bête, tu ne sers à rien.”»

Début février, la violence monte d’un cran. Evaëlle assure qu’A. l’a poussée sur la chaussée au moment où le bus arrivait. Plusieurs élèves l’attestent. «Elle était sur le bord du trottoir, elle est tombée », se défend-il. En se relevant, Evaëlle lui aurait donné une « baffe » à laquelle il reconnaît avoir répondu. «Je lui ai mis un claque aussi, mais ça ne l’a pas touchée.» Tout au long de l’audition, l’ado minimise les brimades. « Il est un peu dépassé par la gravité du dossier, la question du discerneme­nt se poserae inévitable­ment », estime son avocat, M Cédric Martinez.

Les élèves ont-ils pu être influencés par le comporteme­nt de leur professeur­e de français à l’égard d’Evaëlle? Des élèves rapportent sa mise à l’écart, au fond de la classe, malgré des problèmes ophtalmiqu­es. Dix jours après l’histoire du bus, l’enseignant­e a organisé un débat sur le thème : «Pourquoi Evaëlle se sent-elle harcelée et exclue?» Les remarques fusent, la fillette est en larmes. « Que des ados ne prennent pas la mesure du mal qu’ils causent par leurs moqueries, c’est une chose, mais qu’une professeur­e sadise une élève, c’en est une autre », a déploré l’avocate de la famille, Me Delphine Meillet. Alertés, ses parents la changent de collège. Dans son nouvel établissem­ent, la situation s’améliore jusqu’à ce que des élèves apprennent qu’elle avait été harcelée auparavant. Les moqueries reprennent. Le 21 juin, un garçon jette ses affaires en pleine rue. Elle se pendra dans la soirée. « On souhaite que la justice travaille sur l’autre volet du dossier, l’homicide involontai­re, insiste Marie, la mère d’Evaëlle. Le harcèlemen­t, c’est la cause. La conséquenc­e, c’est la mort. »

«On souhaite que la justice travaille sur le volet de l’homicide involontai­re. » Marie, la mère d’Evaëlle

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Evaëlle, 11 ans, s’est pendue dans sa maison d’Herblay (Val-d’Oise), en 2019.

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