Préserver les coraux, c’est dentelle
Avec la dentelle du Puy, Jérémy Gobé veut sauver des animaux en voie de disparition
Mettre en lumière les savoir-faire en perte de vitesse en leur apportant un regard neuf. Telle est la spécialité de Jérémy Gobé. Ce plasticien parisien a développé une passion pour les coraux. A l’été 2017, il découvre la dentelle du Puy-en-Velay et lance le projet Corail Artefact. L’idée? Se servir de cette dentelle et des motifs en point d’esprit pour créer un support favorisant le renouvellement du corail. L’enjeu est de taille. Les coraux pourraient disparaître d’ici à la fin du siècle, alerte l’ONU, victimes de pollutions humaines mais aussi de sa régénération naturelle.
« L’idée est de créer une dentelle 2.0 adaptée à chaque espèce de corail. » Jérémy Gobé, plasticien
«Les coraux expulsent des larves nageuses qui vont se laisser transporter dans les courants, avant de se fixer dans le fond et créer une colonie, décrit Stéphane Hénard, responsable de l’aquariologie au Centre national de la mer Nausicaa, à Boulogne-surMer [Pas-de-Calais]. Encore faut-il que ces larves se posent sur un endroit favorable à leur développement.» Le corail a tout de même un avantage : bien qu’animal, il peut être bouturé comme une plante. Si bien qu’on peut poser une colonie sur un support artificiel en espérant qu’elle s’y développe.
Le hic, «c’est que les supports jusqu’ici développés ont surtout été en béton ou en PVC, reprend Stéphane Hénard. Il y a mieux à faire.» On en revient alors à l’idée de dentelle de Jérémy Gobé. « Son premier atout est d’être en fibres végétales, qui n’émettront aucune substance chimique en se dégradant, explique le plasticien. Ce support est aussi rugueux, souple et transparent, ce qui constitue d’autres avantages. »
Dans le cadre d’une collaboration entre le Museum national d’histoire naturelle et spécialiste des coraux. et Jérémy Gobé, la chercheuse Isabelle DomartCoulon a travaillé sur le projet du plasticien. « Les tests réalisés en labo ont montré qu’il y avait des avantages à utiliser la dentelle, mais aussi des inconvénients, explique-t-elle. Elle se dégrade trop vite pour que le corail ait le temps de se développer. Corail Artefact reste cependant un bon exemple de la combinaison de l’art et des sciences.
Mais il n’y a pas à, ce jour, de support miracle pour la régénération du corail.» Jérémy Gobé ne baisse pas les bras. Avec les Ateliers nationaux de dentelle du Puy-en-Velay (Haute-Loire), il a réalisé des prototypes de supports, dont le premier a été immergé dans un bassin de Nausicaa pour six mois. « L’idée est de créer une dentelle 2.0 adaptée à chaque espèce de corail », explique-t-il. L’artiste songe ainsi à imprégner ses supports d’éléments, comme des nutriments, qui favoriseraient la fixation des larves et le développement des exosquelettes.