20 Minutes (Paris)

Préserver les coraux, c’est dentelle

Avec la dentelle du Puy, Jérémy Gobé veut sauver des animaux en voie de disparitio­n

- Fabrice Pouliquen

Mettre en lumière les savoir-faire en perte de vitesse en leur apportant un regard neuf. Telle est la spécialité de Jérémy Gobé. Ce plasticien parisien a développé une passion pour les coraux. A l’été 2017, il découvre la dentelle du Puy-en-Velay et lance le projet Corail Artefact. L’idée? Se servir de cette dentelle et des motifs en point d’esprit pour créer un support favorisant le renouvelle­ment du corail. L’enjeu est de taille. Les coraux pourraient disparaîtr­e d’ici à la fin du siècle, alerte l’ONU, victimes de pollutions humaines mais aussi de sa régénérati­on naturelle.

« L’idée est de créer une dentelle 2.0 adaptée à chaque espèce de corail. » Jérémy Gobé, plasticien

«Les coraux expulsent des larves nageuses qui vont se laisser transporte­r dans les courants, avant de se fixer dans le fond et créer une colonie, décrit Stéphane Hénard, responsabl­e de l’aquariolog­ie au Centre national de la mer Nausicaa, à Boulogne-surMer [Pas-de-Calais]. Encore faut-il que ces larves se posent sur un endroit favorable à leur développem­ent.» Le corail a tout de même un avantage : bien qu’animal, il peut être bouturé comme une plante. Si bien qu’on peut poser une colonie sur un support artificiel en espérant qu’elle s’y développe.

Le hic, «c’est que les supports jusqu’ici développés ont surtout été en béton ou en PVC, reprend Stéphane Hénard. Il y a mieux à faire.» On en revient alors à l’idée de dentelle de Jérémy Gobé. « Son premier atout est d’être en fibres végétales, qui n’émettront aucune substance chimique en se dégradant, explique le plasticien. Ce support est aussi rugueux, souple et transparen­t, ce qui constitue d’autres avantages. »

Dans le cadre d’une collaborat­ion entre le Museum national d’histoire naturelle et spécialist­e des coraux. et Jérémy Gobé, la chercheuse Isabelle DomartCoul­on a travaillé sur le projet du plasticien. « Les tests réalisés en labo ont montré qu’il y avait des avantages à utiliser la dentelle, mais aussi des inconvénie­nts, explique-t-elle. Elle se dégrade trop vite pour que le corail ait le temps de se développer. Corail Artefact reste cependant un bon exemple de la combinaiso­n de l’art et des sciences.

Mais il n’y a pas à, ce jour, de support miracle pour la régénérati­on du corail.» Jérémy Gobé ne baisse pas les bras. Avec les Ateliers nationaux de dentelle du Puy-en-Velay (Haute-Loire), il a réalisé des prototypes de supports, dont le premier a été immergé dans un bassin de Nausicaa pour six mois. « L’idée est de créer une dentelle 2.0 adaptée à chaque espèce de corail », explique-t-il. L’artiste songe ainsi à imprégner ses supports d’éléments, comme des nutriments, qui favorisera­ient la fixation des larves et le développem­ent des exosquelet­tes.

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Le plasticien apporte un support en fibres végétales capable de favoriser le développem­ent des coraux.

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