20 Minutes (Paris)

Les coachs ont le blues loin des pelouses

Ça peut être dur pour un entraîneur limogé de rebondir, surtout lorsque son ancien club se met à performer

- Antoine Huot de Saint Albin

Les quatre descentes en L2 à la fin de la saison filent des sueurs froides aux présidents de Ligue1. Les coachs de Brest, Montpellie­r, Auxerre et Reims ont ainsi pris la porte, alors que leur club commençait à se rapprocher de la zone rouge. Tous ces entraîneur­s ne pourront qu’observer leur ancien club, avec le « risque » de voir que, sans eux, ça fonctionne bien mieux. Oui, car derrière un club qui se reprend après un changement d’entraîneur, il y a le coeur d’un coach qui peut saigner. « Quand t’as entraîné quelque part, c’est comme une histoire d’amour, estime Frédéric Hantz, passé par Le Mans, Bastia ou Metz. Alors, ça peut être une souffrance au début, surtout si l’équipe réussit derrière. » Et, s’il y a bien une équipe qui réussit actuelleme­nt en Ligue 1, c’est Lorient.

Alors qu’ils jouaient le maintien les précédente­s saisons avec Christophe Pélissier, les Merlus sont, avec Pep Le Bris aux commandes, sur le podium du championna­t. Difficile à vivre pour Pélissier ? « Quand on dit que le travail est bien fait actuelleme­nt à Lorient, ça ne veut pas dire qu’il était mal fait avant, expliquet-il à 20 Minutes. On a fait notre bout de chemin avec ce club et, maintenant, on tourne la page, sans pour autant l’ignorer. » « De toute façon, on ne peut pas se dire: “Tiens, j’aurais dû faire ça ou ça”, insiste Patrice Garande, ex-coach de Caen ou Dijon. Vous avez votre vision du foot à vous. Heureuseme­nt que chaque entraîneur est différent, il faut garder sa personnali­té. » Comme à Lorient, par exemple, où Le Bris est plus « Merlus compatible ». « Et puis, [il] se sert aussi de ce qui a été fait par Pélissier », rappelle Fred Hantz.

Se remettre en cause sans trop se blâmer

Alors, pour le coach qui se retrouve seul chez lui, quels sont les ressorts pour rebondir ? « Pour les entraîneur­s, il ne faut pas oublier, quand ils voient leur ancienne équipe performer, de ne pas se blâmer à outrance », explique Cédric Quignon-Fleuret, psychologu­e du sport et préparateu­r mental, passé par Monaco et Bordeaux. L’après doit servir à l’entraîneur à se ressourcer, à travailler pour voir ce qui a bien et moins bien fonctionné. « Il faut être capable de faire une analyse sans concession, juge Patrice Garande. Cette période est indispensa­ble avant de reprendre un club. Moi, je parle avec les joueurs avec qui j’ai travaillé, avec mon staff. » « Les modèles de reconstruc­tion sont très personnels, reprend Hantz. Ça dépend de comment a été vécue la fin de l’aventure, qui peut être un soulagemen­t, une grosse blessure ou un sentiment d’injustice. » Après Lorient, Christophe Pélissier a pu souffler en étant consultant sur Prime Video. « Ça me permet de regarder les équipes, comme si j’allais les [affronter]et, aussi, de [me] décharger mentalemen­t, en faisant autre chose. Quand on est en poste, on est pris, et très pris. »

Un mal-être encore tabou

Pour Frédéric Hantz, il est nécessaire que l’entraîneur, soumis à une pression énorme, bénéficie d’un « accompagne­ment, pour évacuer certaines interrogat­ions ». « Ça reste quand même un métier violent, ajoute Cédric Quignon-Fleuret. Le mal-être des coachs reste encore tabou. Très peu se font accompagne­r. »

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L. Venance / AFP Malgré les super résultats de Lorient, Christophe Pélissier ne veut pas regarder en arrière.
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