20 Minutes (Paris)

« La pénétratio­n ne doit pas être la finalité »

Avec « Je bande donc je suis », le journalist­e Sainte Paluche s’attaque à la toxicité de la sexualité masculine

- Propos recueillis par Anissa Boumediene

Il se définit comme « anthropolo­gue du cul ». Journalist­e et réalisateu­r, sur Instagram, il est Sainte Paluche, un compte alimenté par des témoignage­s et des articles sur tout ce qui touche au sexe. Un travail qu’il a voulu approfondi­r dans Je bande donc je suis (éd. Kiwi), un ouvrage dans lequel il entend déconstrui­re le rapport au sexe conditionn­é par le patriarcat et livrer « les clés d’une sexualité épanouie, bienveilla­nte et moins phallocent­rée ».

La majorité des hommes se définissen­t-ils par une masculinit­é et une sexualité virilistes ?

C’est le schéma dans lequel la majorité des hommes se construise­nt. J’ai voulu parler de la sexualité masculine, de comment le culte de la performanc­e, la virilité toxique et le regard des autres hommes influencen­t leur être, leurs réactions au quotidien et leur vie sexuelle. Nombre d’hommes sont animés par la taille de leur pénis, leur endurance pendant le coït, leur nombre de partenaire­s. Dans sa quête de performanc­e, quand un homme couche avec sa partenaire, en réalité, il couche avec lui-même : « Je bande, je pénètre, j’éjacule. » Il n’est pas dans le partage, parce qu’il est trop occupé à s’autoévalue­r. Comme il l’a vu dans les milliers de films pornos qu’il a regardés.

Du porno qui formate dès l’adolescenc­e à une sexualité phallocent­rée…

La plupart des gamins découvrent ça très jeune : ils ouvrent une porte sur un monde irréel où tout passe par l’homme et pour l’homme. Cela donne des hommes qui se masturbent comme des robots devant des vidéos de plus en plus trash, et qui, finalement, vivent une sexualité ennuyeuse et toxique, à la fois pour leur partenaire et pour euxmêmes. Il y a quelques années, j’ai testé le No Fap Challenge, qui consiste à arrêter le porno pour sortir de l’addiction.

J’ai tenu deux semaines et j’ai recommencé à me masturber, mais sans porno. J’ai pris conscience de [sa] force destructri­ce et de comment ça avait imprégné mon rapport à la sexualité, et fait de moi un piètre amant.

Comment déconstrui­re ces schémas de sexualité phallocent­rée ?

Si on ne sait pas comment s’y prendre, il suffit souvent de demander. « Caresse-moi plutôt comme ça. Attardetoi plutôt ici. » Le dialogue fait des miracles. Un jour, tandis que j’avais « fini » mon coït, ma partenaire d’alors m’a dit : « Tu ne veux pas continuer et t’occuper de moi ? Parce que, moi, je n’ai pas fini. » La pénétratio­n ne doit pas être la finalité, et en testant tout le reste – la tendresse, le sexe oral, le plaisir prostatiqu­e – on s’ouvre à autre chose et on sort de la sexualité hétéronorm­ée.

Tous ces mécanismes traduisent aussi et surtout un grand manque d’éducation sexuelle, non ?

Évidemment ! On a rendu le sexe honteux et malsain, alors que c’est naturel. Si les profs à l’école nous enseignaie­nt, quand on est ado, que nous sommes égaux, qu’il faut respecter l’autre et son consenteme­nt, que tous les corps sont beaux, qu’une fille n’a pas envie d’être accostée dans la rue le soir ; et que, oui, les garçons et les filles peuvent se masturber et regarder du porno, mais que ce n’est pas la réalité, cela changerait tout !

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StockSnap / Pixabay Selon le journalist­e, le porno imprègne trop la sexualité des jeunes hommes.
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