« Steak Machine », le livre qui désosse les abattoirs
Un journaliste a infiltré une société et raconte son quotidien
«Tant que la cadence sera si élevée pour les hommes, il n’y aura pas de viande propre. » Le constat de Geoffrey Le Guilcher est implacable. Ce journaliste indépendant de 30 ans a sorti, jeudi, Steak Machine aux éditions Goutte d’Or. Le fruit d’une immersion de 40 jours dans un abattoir industriel de Bretagne. Quarante jours en tant qu’intérimaire, à tailler aux couteaux dans le gras des carcasses aportées à son poste à un rythme effréné. Une vache toutes les minutes. Parfois plus.Geoffrey Le Guilcher ne donne pas le nom de l’abattoir ni sa localisation. Il l’appelle juste Mercure « parce qu’il fait chaud et qu’on s’y bousille la santé » ; 3 000 personnes y travaillent et 2 millions d’animaux y sont abattus chaque année.
Cadences infernales
Son livre fait écho aux vidéos d’horreurs filmées en caméra cachée dans les abattoirs par l’association de protection animale L214. Plus que les sévices faits aux animaux, Steak Machine raconte les conditions de travail des ouvriers des abattoirs, les cadences infernales imposées. « Je les appelle homme-crabe parce qu’ils ont
comme muté. Ils présentent une musculature hors-norme au niveau des avant-bras, des poignets et des mains à force de lever des carcasses ». Pour ce journaliste, « on ne peut pas comprendre les violences faites aux animaux si on ne comprend pas les violences faites aux hommes ». Il assure que les conditions de travail « se dégradent », alors que les abattatoirs tentent de s’améliorer. « Il faut tuer une vache par minute. Tout le monde court en permanence après la cadence. Tout ne se passe pas toujours comme prévu. Les bêtes résistent, parfois se réveillent alors qu’on les pensait mortes. Très vite, la bête qui résiste devient ton ennemie », assure le jeune homme.