La clope enfume les plus précaires
Selon une étude, les personnes défavorisées et peu diplômées peinent à arrêter la cigarette
La cigarette fait encore un tabac en France. Ce mercredi, à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, associations et spécialistes réitèrent les discours de prévention et rappellent les ravages de cette drogue. Un message qui semble passer… mais dans certains milieux seulement. Un rapport publié mardi par Santé publique France dévoile que les personnes les moins diplômées et les plus défavorisées fument davantage que les Français plus aisés. Et pourtant, avec un paquet autour de 7 €, on pourrait imaginer l’inverse... Le Baromètre santé 2016 révèle que plus on est pauvre, plus on a de risques de fumer. Ainsi, entre 2010 et 2016, « la prévalence du tabagisme quotidien a augmenté de 35,2 % à 37,5 % parmi les personnes aux revenus de la tranche la plus basse. A l’inverse, elle est passée de 23,5 à 20,9 % parmi les personnes aux revenus de la tranche la plus haute. » Même constat si l’on regarde le niveau de diplôme… « On trouve davantage de fumeurs réguliers et de gros fumeurs dans les milieux défavorisés, complète Patrick Peretti-Watel, sociologue à l’Inserm. Et cet écart se creuse encore parce que les cadres arrêtent plus facilement de fumer que les personnes précaires. »
Difficile de penser à l’avenir
Les personnes isolées, sans emploi, peu connectées, reçoivent sans doute moins les messages de prévention. Même quand elles ont accès à cette information, certaines tombent dans une « méfiance à l’égard des messages de prévention » et « un déni du risque », deux facteurs avancés par ce rapport pour expliquer ce fossé. « Les campagnes de prévention s’appuient sur des chiffres pas forcément simples à comprendre quand on n’a pas le niveau scolaire, analyse le chercheur auteur de La Cigarette du pauvre. Plus on est marginalisé, plus on se méfie des discours politiques et sanitaires. » L’incapacité à se projeter dans l’avenir est aussi l’un des facteurs qui contribuent au succès de la petite clope. « Quand on vit au jour le jour, savoir que le tabac est mauvais dans un ou dix ans, on s’en fout ! » renchérit Bertrand Dautzenberg, pneumologue. « Il y a un attachement culturel historique du milieu ouvrier, reprend le sociologue. Pour beaucoup, le tabac est encore perçu comme un loisir des classes populaires. » Et les idées reçues sur le mégot sont tenaces. « Beaucoup de personnes, notamment dans les milieux défavorisés, pensent que les patchs et les cigarettes électroniques sont dangereuses pour la santé », regrette le Pr Dautzenberg.