Les assignés à résidence livrent leurs identifiants
Les personnes assignées à résidence devront fournir leurs identifiants numériques
«C’est totalement délirant. » Au lendemain de l’adoption des trois premiers articles de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, associations et avocats n’en reviennent toujours pas. Dans la nuit de mardi à mercredi, les députés ont inscrit dans la loi l’obligation, pour toutes personnes assignées à résidence, de fournir aux autorités administratives leurs numéros de téléphone et tous leurs identifiants numériques. En cas de refus, elles s’exposeront à une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende. Cette disposition, qui ne figurait pas dans l’état d’urgence, a été ajoutée par le gouvernement, alors même que les sénateurs avaient acté sa suppression en première lecture. Elle inquiète fortement les défenseurs des libertés individuelles. « On oblige les gens à participer à leur propre surveillance, on les contraint et, s’ils refusent, on les pénalise. On est aux confins de l’état de droit », s’alarme Marie Dosé, avocate au barreau de Paris. « Cela va à l’encontre de droits fondamentaux, comme le droit à ne pas s’auto-incriminer, le droit de se taire et la présomption d’innocence », enchaîne Agnès de Cornulier, coordinatrice de l’analyse politique et juridique pour La Quadrature du Net.
Un recours envisagé
Le rapporteur du texte à la commission des lois, Raphaël Gauvain (LREM), détaille le projet : « Cela ne permet pas, en soi, à l’autorité administrative d’avoir directement accès aux contenus stockés dans les terminaux téléphoniques ou numériques, puisque la communication des mots de passe est expressément exclue. En revanche, ces informations sont très utiles aux services de renseignement et visent à éviter qu’une personne (…) modifie son abonnement téléphonique ou Internet, empêchant ainsi lesdits services de poursuivre la surveillance qu’ils ont été autorisés à mettre en place. » Pour Nicolas Krameyer, responsable du programme Libertés au sein d’Amnesty, la mesure remet en question le respect de la vie privée, le secret des correspondances et les droits de la défense : « Les personnes assignées à résidence sont des personnes contre qui on ne dispose pas d’éléments suffisants pour les incriminer devant la justice. Cela pose également des questions éthiques : une fois les mesures de surveillance levées, combien de temps les autorités pourront-elles garder les identifiants de ces personnes ? » Attentives aux débats qui se jouent actuellement dans l’Hémicycle, les associations n’écartent pas un recours auprès du Conseil constitutionnel.