20 Minutes (Rennes)

Le journalism­e au temps des cartels

Selon le bilan de Reporters sans frontières, 11 journalist­es ont été tués au Mexique en 2017

- Oihana Gabriel

Un record qui fait froid dans le dos. Selon le dernier bilan de Reporters sans frontières (lire l’encadré), publié mardi, onze journalist­es sont morts en 2017 au Mexique. « Comme l’an dernier, c’est le pays en paix le plus dangereux au monde pour les reporters », constate l’ONG. Et de préciser : « Au pays des cartels, ceux qui traitent de la corruption de la classe politique ou du crime organisé sont quasi systématiq­uement visés, menacés, voire exécutés de sang-froid. » La représenta­nte locale de RSF, Balbina Flores Martinez, a elle-même reçu des menaces de mort en 2014. Pendant un an, elle a vécu sous protection policière. Pour continuer à exercer, elle a dû redoubler de précaution­s. « On reste, par exemple, peu de temps dans les zones où l’insécurité règne; on fait aussi très attention quand on contacte des sources et on mène des enquêtes collective­s avec des collègues. » Certains ont dû se résoudre à abandonner le métier : « Cette année, nous avons aidé treize journalist­es à partir à l’étranger, en majorité aux Etats-Unis », compte Balbina Flores Martinez. D’autres restent au Mexique, mais « vivent cachés, pour ne pas mettre en danger leur famille », renchérit Emmanuel Colombié, directeur du bureau Amérique latine pour RSF. Ces conditions de travail ne risquent pas de s’améliorer : selon les sources, entre 95 et 99 % des crimes contre les journalist­es restent impunis. « Des procès s’ouvrent, mais les autorités jouent la montre, reprend Emmanuel Colombié. Surtout quand les enquêtes sont diligentée­s par des politiques mouillés. »

« Trous noirs de l’info »

« La situation au Mexique reste paradoxale », insiste le directeur du bureau Amérique latine pour RSF. Il y a des institutio­ns, des mécanismes de protection, et même un bureau spécial chargé des crimes en direction des journalist­es. Mais ils se révèlent inefficace­s, « par manque de personnel et de prise de conscience de l’importance de notre métier ». Dans des Etats comme Tamaulipas, gangrené par les cartels, il n’y a pas quasiment plus de journalist­es, « ce qui crée des trous noirs de l’informatio­n ».

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Miroslava Breach et Javier Valdez ont été tués au Mexique cette année.

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