Le journalisme au temps des cartels
Selon le bilan de Reporters sans frontières, 11 journalistes ont été tués au Mexique en 2017
Un record qui fait froid dans le dos. Selon le dernier bilan de Reporters sans frontières (lire l’encadré), publié mardi, onze journalistes sont morts en 2017 au Mexique. « Comme l’an dernier, c’est le pays en paix le plus dangereux au monde pour les reporters », constate l’ONG. Et de préciser : « Au pays des cartels, ceux qui traitent de la corruption de la classe politique ou du crime organisé sont quasi systématiquement visés, menacés, voire exécutés de sang-froid. » La représentante locale de RSF, Balbina Flores Martinez, a elle-même reçu des menaces de mort en 2014. Pendant un an, elle a vécu sous protection policière. Pour continuer à exercer, elle a dû redoubler de précautions. « On reste, par exemple, peu de temps dans les zones où l’insécurité règne; on fait aussi très attention quand on contacte des sources et on mène des enquêtes collectives avec des collègues. » Certains ont dû se résoudre à abandonner le métier : « Cette année, nous avons aidé treize journalistes à partir à l’étranger, en majorité aux Etats-Unis », compte Balbina Flores Martinez. D’autres restent au Mexique, mais « vivent cachés, pour ne pas mettre en danger leur famille », renchérit Emmanuel Colombié, directeur du bureau Amérique latine pour RSF. Ces conditions de travail ne risquent pas de s’améliorer : selon les sources, entre 95 et 99 % des crimes contre les journalistes restent impunis. « Des procès s’ouvrent, mais les autorités jouent la montre, reprend Emmanuel Colombié. Surtout quand les enquêtes sont diligentées par des politiques mouillés. »
« Trous noirs de l’info »
« La situation au Mexique reste paradoxale », insiste le directeur du bureau Amérique latine pour RSF. Il y a des institutions, des mécanismes de protection, et même un bureau spécial chargé des crimes en direction des journalistes. Mais ils se révèlent inefficaces, « par manque de personnel et de prise de conscience de l’importance de notre métier ». Dans des Etats comme Tamaulipas, gangrené par les cartels, il n’y a pas quasiment plus de journalistes, « ce qui crée des trous noirs de l’information ».