« Il y a une volonté de la France d’être le médiateur »
Pour le chercheur Julien Nocetti, il ne faut pas surestimer la portée diplomatique des frappes occidentales menées en Syrie
Il y a deux jours, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont mené des frappes en Syrie, en riposte à l’utilisation présumée par Damas d’armes chimiques dans la ville rebelle de Douma – des experts internationaux ont commencé dimanche leur enquête pour déterminer si tel avait été le cas. Julien Nocetti, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri) et spécialiste de la Russie, revient sur les conséquences diplomatiques de cette action militaire.
Cet épisode diplomatique fragilise-t-il la Russie sur le plan international ?
Il faut nuancer cet affaiblissement. Malgré les propos très durs tenus par ses dirigeants, la Russie n’a pas utilisé ses moyens militaires pour contrer ces frappes. En réalité, Moscou a une lecture plutôt « hautaine » de ces frappes qu’elle considère comme un baroud d’honneur des Occidentaux après l’acte manqué de septembre 2013 et la fameuse « ligne rouge » avancée par Barack Obama qui n’a abouti à rien. Ensuite, du point de vue la propagande, ces actions vont resserrer les troupes pro-Bachar al Assad et pro-Russes. On va immanquablement assister à une exploitation massive de l’impérialisme occidental dans le débat public et médiatique.
Peut-on s’attendre à une « riposte », militaire ou diplomatique ?
S’il y a une riposte militaire, il n’est pas certain qu’elle passe directement par la Russie, mais plutôt par l’Iran ou par le Hezbollah, alliés eux aussi du gouvernement syrien. D’autant que, depuis plusieurs mois, la Russie tente d’esquisser une solution diplomatique en Syrie, comme on l’a vu lors du processus de négociations d’Astana et de Sotchi. On peut en revanche imaginer des sanctions visant divers secteurs économiques européens.
Assiste-t-on à un durcissement des relations entre la Russie et les autres puissances occidentales ?
Il ne faut pas surestimer la portée diplomatique des frappes. Depuis l’affaire Skripal [du nom de l’ex-espion russe empoisonné à Londres], le discours de la Russie vis-à-vis des Etats-Unis et du Royaume-Uni est extrêmement virulent. La position de Paris est, elle, plus modérée, et il y a une volonté de la France de jouer le médiateur entre « l’Occident » et la Russie dans le conflit syrien. Globalement, la marge de manoeuvre d’Emmanuel Macron reste assez faible, y compris par rapport à Washington.