Les scores-fleuves des sixties reviennent à la mode
FOOTBALL Jeu débridé, scénarios fous, festival offensif… Retour vers le futur en Ligue des champions
En arrachant son billet pour les demifinales de Ligue des champions face au Barça, le 10 avril, l’AS Rome a acheté un stock illimité d’espoir. C’est avec la conviction que la Louve refera le coup que les Romains iront au stade, ce mercredi face à Liverpool. La mission est la même : marquer trois buts sans en prendre. Réaliser deux fois pareil exploit aurait paru impensable des années plus tôt. Mais le foot a évolué. Les scores-fleuves abondent, les scénarios hitchcockiens aussi. Reste à comprendre pourquoi les joutes européennes ont cessé de ressembler aux allers-retours peu prolifiques de la fin du XXe siècle pour se maquiller en Real-Francfort de 1960 (7-3 pour les Merengue en finale).
L’avènement du pressing haut. «Un jeu où on essaie toujours de faire des différences amène des scores importants», analyse Christophe Kuchly, coauteur du livre Les Entraîneurs révolutionnaires du football (Solar). Les idées de jeu de Guardiola ont eu un impact considérable sur le foot. Le Real, le Bayern, City ou Naples s’inscrivent dans cette logique. Malheur à ceux qui se dressent sur leur route. Sauf si on s’appelle Jürgen Klopp, le coach de Liverpool, contre-exemple parfait. « Jouer haut expose l’équipe à des contres assassins», juge Kuchly. Une faille que les Reds savent bien exploiter en adoptant un jeu très direct.
La force de l’habitude. « Plus le niveau est élevé, plus les équipes se connaissent et plus elles trouvent des solutions les unes contre les autres, explique Victor Lefaucheux, créateur du site premieretouche.com, qui décortique les matchs avec minutie. C’est une guerre stratégique de plus en plus poussée.» L’exemple le plus criant est l’antagonisme Klopp-Guardiola. L’Allemand a trouvé la faille dans le système très ambitieux du Catalan. Résultat : 5-1 sur les deux matchs, en quart de finale de Ligue des champions. « Klopp construit le football du futur, avec une équipe forte dans toutes les phases de jeu, une flexibilité tout terrain, et une grande puissance athlétique», ajoute Lefaucheux.
Les meilleurs sont encore meilleurs. «On est toujours rattrapé par la qualité des joueurs », commente Daniel Sanchez, ex-coach de Valenciennes. Ronaldo, Salah ou Dzeko font des étincelles. « Le niveau individuel est un facteur à prendre en compte, assure Florent Toniutti, créateur du site chroniquestactiques.fr. Les meilleurs joueurs jouent tous dans les mêmes clubs, ce qui offre encore plus de solutions pour les finisseurs.» Mais Sanchez estime que le retour des pluies de buts est une «fausse bonne nouvelle », car elle met le doigt sur le déséquilibre du foot : «L’intérêt du foot, c’est l’incertitude. Là, le résultat est quasiment connu à l’avance. »