« Faire grève contre une loi, c’est curieux»
Pour « 20 Minutes », le Premier ministre Edouard Philippe revient en détails sur la réforme de la SNCF, adoptée au Parlement, jeudi.
Après trois mois de débats et de grèves, la réforme du rail a été adoptée définitivement jeudi par le Parlement. Le gouvernement a réussi à faire approuver la transformation de la SNCF en société anonyme, le calendrier de l’ouverture à la concurrence des lignes et la fin du recrutement au statut de cheminot. Dans son bureau de Matignon, où il a reçu 20 Minutes, Edouard Philippe n’a pas caché sa satisfaction d’avoir mené à bien ce chantier en respectant « la méthode et le calendrier» qu’il s’était fixés.
Que va changer la réforme pour les Français ?
Elle va permettre à la SNCF de mieux fonctionner, et aux Français d’avoir une offre plus variée, moins chère et de meilleure qualité en matière de services ferroviaires. Vous parlez d’un service « moins cher » grâce à l’ouverture à la concurrence. Cela veut dire que le prix des billets n’augmentera pas ? Nous avons regardé le modèle allemand, qui nous semble proche de la réalité française. Sur beaucoup de trajets, le prix des billets a diminué, ça dépend des lignes. Mais je ne suis pas là pour faire l’offre commerciale des entreprises qui seront en concurrence.
En Angleterre, pourtant, l’ouverture à la concurrence a entraîné une hausse du prix des billets de train…
Il peut y avoir des hausses de prix sur certaines lignes, mais, le plus souvent, il y a des baisses. Ce qui m’intéresse, c’est l’élargissement de l’offre ferroviaire. Plus d’offres locales, de services, avec des gammes de prix plus diverses et davantage de petits prix.
Sur l’offre, pensez-vous que l’Etat a présenté assez de garanties pour l’avenir des petites lignes, qui va incomber aux régions ?
Il serait absurde d’imaginer que l’Etat, que le Premier ministre dans son bureau à Paris, puisse savoir quelle petite ligne est indispensable et quelle autre doit être, le cas échéant, fermée. C’est une discussion entre les entreprises ferroviaires, qui exploitent des lignes, et les régions, qui définissent des plans de mobilité. Pour les lignes interrégionales, il peut y avoir des sujets spécifiques à traiter entre les régions, les entreprises et l’Etat. Ça se passera dans une approche très pragmatique et proche du territoire. L’intersyndicale a appelé à poursuivre la grève jusqu’au 28 juin. Déplorez-vous cette annonce ?
Il y a le bac, puis les vacances qui arrivent. Ceux qui sont dans une forme de surenchère, alors que la loi a été votée, risquent de ne plus être compris du tout par les Français. Que ferez-vous si la grève se poursuit ?
La grève est un droit constitutionnel. Il n’est pas question de l’interdire à quiconque. Mais faire grève, c’est aussi prendre ses responsabilités. Quand la loi est votée, elle doit être appliquée. Faire grève contre une loi, dans une démocratie, c’est curieux. Surtout quand l’Etat, et donc les Français, s’engage à payer 35 milliards d’euros de dette supplémentaire pour permettre à l’entreprise de mieux fonctionner et de se développer. Il y a un moment où il faut entendre ce que les Français ont à dire. Et les Français aimeraient que cette grève se termine.
Sur l’immigration et l’asile, l’écologie et les aides sociales, on entend de plus en plus les voix divergentes au sein de votre majorité. Peut-elle tenir pendant tout le quinquennat ?
Oui, car elle est cimentée par la philosophie et les engagements portés par le président de la République. Il y a des expressions, des sensibilités, des interrogations, et c’est sain. Si elles n’existaient pas, vous diriez que c’est une majorité de «godillots». Elle est soudée et va mettre en oeuvre les engagements du président de la République, je n’ai aucun doute là-dessus.
Trois économistes ayant participé au programme d’Emmanuel Macron ont critiqué la politique sociale du gouvernement. Assumez-vous de mener une politique de droite ?
Je suis là pour mettre en oeuvre les engagements du président, pas pour faire une politique de droite ou de gauche, ou dire si je suis de droite ou de gauche. D’ailleurs, sur le fond, ces économistes disent que le problème est moins dans l’équilibre des mesures que dans celui des incarnations. En matière de politique sociale, nous voulons, au nom de la justice sociale, savoir si les aides distribuées sont efficaces. Si ce n’est pas le cas, quelle honte de ne rien changer!
« Ce qui m’intéresse, c’est l’élargissement de l’offre territoriale. Plus d’offres locales, de services, de prix. »
« Faire grève contre une loi, dans une démocratie, c’est curieux. »