20 Minutes (Rennes)

Jugé trop polluant, le cuivre écoeure des viticulteu­rs bio

Certains jugent ce pesticide d’origine naturelle trop polluant pour les sols

- A Bordeaux, Mickaël Bosredon

Le vice-président du Conseil interprofe­ssionnel du vin de Bordeaux (CIVB) Bernard Farges avait lancé une petite bombe le 15 octobre, en annonçant qu’il y aurait des «déconversi­ons du bio en 2019 ». En cause : une année 2018 très compliquée pour les viticulteu­rs, entre les orages de grêle et les attaques de mildiou. Et qui faisait suite à une année 2017 déjà difficile en raison du gel. Les viticulteu­rs n’allaient donc « pas prendre le risque d’une troisième récolte déficitair­e » en 2019, anticipait Bernard Farges. Basile Tesseron, à la tête du domaine Lafon-Rochet (grand cru classé 1855) à Saint-Estèphe, dans le Médoc, a effectivem­ent choisi d’arrêter la viticultur­e bio, à laquelle il s’est converti il y a plusieurs années, sans pour autant en demander la certificat­ion. Une décision prise avant les difficulté­s de cette année, dès février. Pourquoi? Parce que «la grande majorité des traitement­s bio se font à base de cuivre », un « produit miracle » contre le mildiou. Or, souligne Basile Tesseron, le cuivre «fait partie de la catégorie des métaux lourds, donc il ne s’évapore pas, au contraire, il s’accumule dans le sol. Pour moi, ce n’était plus une solution pérenne.» Par ailleurs, «il y a de fortes chances que l’Europe interdise ce produit, après avoir déjà décidé d’encadrer davantage son utilisatio­n », anticipe le vigneron, qui estime que « les produits dits naturels ne sont pas systématiq­uement les meilleurs.» Le cuivre est ainsi sujet à discussion­s. « Des concentrat­ions excédentai­res ont des effets néfastes sur la croissance et le développem­ent de la plupart des plantes, sur les communauté­s microbienn­es et la faune des sols», notait en janvier l’Inra, dans une expertise scientifiq­ue pour «réduire l’usage du cuivre en protection des usages biologique­s ».

Financer la recherche

L’homologati­on actuelle du cuivre arrive à son terme en janvier. Si la menace de l’interdicti­on pure et simple de ce produit semble écartée, son utilisatio­n devrait être bientôt limitée. «Nous sommes dans l’hypocrisie la plus complète », s’agace pour sa part Bernard Farges, pour lequel «il n’y a pas de substituti­on possible au cuivre quand on est en bio. On va limiter sa quantité, alors qu’on sait pertinemme­nt qu’il y a des zones, ou des années, où ça ne passera pas.» Basile Tesseron, lui, estime que, « à ce jour, il n’y a pas de solution satisfaisa­nte pour traiter la vigne ». Il plaide donc pour que « les viticulteu­rs financent les recherches, menées entre autres par l’Institut des sciences de la vigne et du vin ou l’Inra», pour trouver d’autres produits.

« Le bio est un axe, mais il y en a beaucoup d’autres, résume, optimiste, Allan Sichel, président du CIVB. Dans les dix ans à venir, de nouvelles pistes vont s’ouvrir pour fortement réduire l’utilisatio­n des pesticides. »

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Le château Lafon-Rochet, dans le Médoc, va arrêter la culture en bio.

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