«Un faux procès m’a été fait»
Avant son Zénith, samedi, à Paris, le rappeur revient sur son concert annulé au Bataclan, la polémique autour de l’album Jihad et les remises en question qu’elle a engendrées dans son travail.
« Coupe la tête du coq et il court toujours, le 9 février au Zénith, ce s’ra full. » Comme le promet Médine dans « Kyll », son carton de l’hiver en feat avec Booba, le rappeur est loin d’avoir dit son dernier mot. Samedi, il se produira sur la scène du Zénith de Paris, près d’un an après la sortie de son dernier album, Storyteller. Il y tournera peut-être aussi la page de son concert annulé au Bataclan, en 2018. Quelques jours avant son Zénith, Médine est revenu auprès de 20 Minutes sur la polémique.
Que ressentez-vous avant ce concert au Zénith ?
C’est particulier, comme toutes les grosses dates parisiennes. Jouer dans la capitale, depuis le début de ma carrière, c’est toujours exceptionnel. Il y aura des invités et je travaille le cardio différemment parce qu’il va falloir tenir un peu plus longtemps. Il y aura des morceaux de l’ancien répertoire pour essayer d’avoir quelque chose d’assez complet.
Est-ce que, pour vous, il s’agit d’une petite revanche sur l’an dernier ?
Non, parce que je n’ai pas l’esprit revanchard. Pour moi, cette polémique n’avait pas lieu d’être, c’était un faux procès qui m’a été fait. Il aurait suffi que les médias vérifient leurs informations et épaississent un peu le sujet pour comprendre qu’il n’y avait pas lieu de récupérer la rhétorique de l’extrême droite et des groupuscules identitaires. C’est un non-événement. C’est dans la continuité d’un combat que je mène depuis une quinzaine d’années, d’être sceptique vis-àvis des versions officielles, d’être critique avec les discours de repli sur soi. Pour moi, cette polémique est le prolongement naturel, voire une espèce d’accréditation du sérieux de mon travail qui, justement, dénonce cet emballement, cette société du trolling, qui stigmatise un peu plus le jeune de quartier, le musulman, le rappeur, la personne issue de l’immigration.
Cette polémique vous a-t-elle atteint ?
Personnellement, j’ai un très bon cadre familial, professionnellement aussi, car j’ai des associés qui sont mes amis d’enfance, je suis très bien entouré. Par contre, artistiquement, je me pose des questions : sur la permissivité, la liberté d’expression, la notion de « subversivité »… A quelles conditions pouvons-nous être subversifs ? Est-ce qu’il faut être d’une classe sociale, d’une couleur ou d’une religion en particulier ? Est-ce que j’ai le droit de me raccorder à une tradition de paroliers de la chanson française, comme Georges Brassens ? Pour moi, oui, j’en fais partie, mais j’aime bien poser ces questions à ceux qui produisent de la stigmatisation ou de l’exclusion.
Avez-vous tendance à lisser votre discours désormais ?
Je vais mesurer davantage ce que je dis, et surtout éviter de me prendre à mes propres pièges de provocateur – car, oui, je reconnais être provocateur sur certains textes. Par exemple, j’ai écrit « Don’t Laïk » en 2015, qui est à mon sens un hymne à la laïcité, qui lui redonne ses lettres de noblesse, et qui pointe un dysfonctionnement. Plus personne ne sait ce qu’est la laïcité. Mon rôle d’artiste est de dire que, là, il y a peut-être un problème. J’ai produit un texte provocateur, mais aussi un clip provocateur et ça a créé une incompréhension générale. J’ai joué avec des symboles, des “substances explosives” et ça m’a pété au visage. Ce morceau n’a pas été compris comme moi je l’avais écrit et pensé. Là, j’ai eu l’impression d’être pris pour un poseur de bombe, alors que j’étais un démineur.
« Il n’y avait pas lieu de récupérer la rhétorique de l’extrême droite. »
« J’ai joué avec des symboles, des “substances explosives” et ça m’a pété au visage. »