20 Minutes (Rennes)

Un remède béton contre les angoisses

La demande de bunkers privés auprès des entreprise­s spécialisé­es a fortement augmenté en France

- Nicolas Camus

Un coin cuisine, des toilettes, un lit en mezzanine, un canapé convertibl­e, une table basse, des rangements… A priori, rien de très extraordin­aire. Sauf qu’on entre dans ce logement par une trappe à vérins hydrauliqu­es avant de passer par un sas de décontamin­ation, et que son toit est recouvert de filtres à charbon actif qui protègent contre les retombées radioactiv­es qui suivent une explosion nucléaire. Bienvenue dans un abri anti-atomique aux normes « NRBC-E », conçu pour résister aux risques nucléaire, radiologiq­ue, biologique, chimique et explosif. Et, paraît-il, nouvelle lubie des Français en ces temps incertains.

La pandémie de Covid-19 et, surtout, la guerre en Ukraine, avec la menace d’une éventuelle escalade nucléaire, ont fait souffler un vent de panique.

Stéphane Berry, PDG de L’Entrepotéc­o, propose des bunkers dans son catalogue. « On en vendait 3 ou 4 dans l’année, là, on est entre 15 et 30 », assure l’entreprene­ur basé dans les Yvelines. Il a commencé à proposer des panic rooms il y a sept ans, mais se rendant compte que « ça ne suffisait pas toujours » par rapport aux attentes des clients, il en est venu aux bunkers. Le plus petit, 6,5 m2 pour quatre personnes, livré habitable, coûte 149 000 €. Ensuite, tout est possible selon les volontés et les moyens, jusqu’aux immenses constructi­ons d’une centaine de mètres carrés avec piscine ou salle de sport. Les prix montent vite à 600 000 €, 700 000 €, voire plus.

L’intérêt pour ces abris ne date toutefois pas de la guerre en Ukraine, tient à préciser Stéphane Berry : « Il y a eu les attentats, des faits divers inquiétant­s avec des personnes tuées chez elles juste pour de l’argent. Un sentiment d’insécurité s’est développé. On n’est pas dans le survivalis­me. Ce sont des gens avec des moyens, certes, mais des gens comme vous et moi, qui veulent protéger des biens et des personnes. Ils se disent : “J’ai de la place, de l’argent, j’ajoute une annexe. De toute façon, c’est une valorisati­on de ma maison, je ne perdrai pas d’argent.” »

Pourquoi toute cette défiance ?

David Manise, entreprene­ur et acteur historique du secteur de la survie en France, organise des stages depuis bientôt vingt ans. Malgré le climat anxiogène qui conduit les gens à se faire construire un bunker, il rejette tout ce qui a trait au survivalis­me, « une posture politique de défiance vis-à-vis des institutio­ns, de perte de confiance envers les services publics et les autres êtres humains, souvent corrélée à des affiliatio­ns politiques extrêmes ». Ce Québécois a inventé, avec quelques autres, le terme de « survivolog­ie », qu’il définit comme « une approche rationnell­e et scientifiq­ue de la survie ». À ses yeux, la survie ne peut pas être une démarche individuel­le. Il ne comprend pas « cette croyance que, en cas de crise, ça devient l’anarchie et que l’homme est un loup pour l’homme. Alors que l’histoire, récente ou ancienne, démontre que c’est l’inverse qui se produit. Quand il y a une catastroph­e, les gens se serrent les coudes. » On l’aura compris, la constructi­on d’un abri anti-atomique n’est pas pour lui la solution.

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20 Minutes / Sipa (illustrati­on) Certains abris sont conçus pour résister aux risques nucléaires.
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