À chacun son obscurité à traverser
Le 18e prix Quais du Polar« 20 Minutes » est décerné ce vendredi à Hervé Le Corre pour son roman « Traverser la nuit », qui croise le destin de trois personnages
Bordeaux noyée sous la pluie. 6 h 22. Le jour n’est pas encore levé. Le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle, pour emprunter ces quelques mots à Baudelaire. Au loin, les gyrophares des voitures de police déchirent l’obscurité pour aveugler les rares passants. Le décor est planté, le lecteur est prévenu. Le titre du livre en dit long : Traverser la nuit (édition Rivages/Noir). En signant un roman crépusculaire, le Bordelais Hervé Le Corre s’adjuge cette année le prix des lecteurs Quais du Polar-20 Minutes. Multirécompensé, l’auteur n’a pas choisi la facilité en prenant le risque de construire son 13e roman autour d’une ossature bien classique de la littérature policière : mettre en scène trois personnages, dont les destins vont se mêler au fil des pages. Trois trajectoires irrémédiablement liées. Chacun « traverse sa nuit ».
Une ambiance à la Seven
Il y a Jourdan, le flic à la dérive, traumatisé, hanté par les morts croisés tout au long de sa carrière. Louise élève seule son petit garçon. Harcelée par son excompagnon, violentée, elle reste toujours sur ses gardes. Et puis, ce tueur en série, élevé par une mère toxique, qui déverse sa haine sur les femmes et qui n’est peut-être pas celui que l’on croit. Hervé Le Corre réussit brillamment à dépasser les stéréotypes du genre pour décrire les souffrances, pour peindre avec finesse ces âmes tourmentées. Plongé dans la tête des protagonistes, enfermé dans une ambiance sombre et pesante qui n’est pas sans rappeler celle du film Seven, le lecteur guette la lumière. L’écriture est ciselée, envoûtante. Hervé Le Corre confirme une fois de plus qu’il est actuellement l’un des plus grands auteurs de polars français. L’un des plus primés, aussi.