20 Minutes (Rennes)

« Le ballon était une dépense inutile »

L’attaquante de l’OL Melchie Dumornay raconte ses débuts à Haïti, avant la demi-finale retour de Ligue des champions, dimanche à Paris

- Propos recueillis à Lyon par Jérémy Laugier

Freinée dans son ascension durant quatre mois par une blessure à la cheville, Melchie Dumornay se révèle dans l’attaque lyonnaise en Ligue des champions. Buteuse à l’aller face au PSG en demi-finale, l’attaquante de 20 ans pourrait bénéficier des absences d’Eugénie Le Sommer, Delphine Cascarino et Ada Hegerberg pour montrer l’étendue de son talent. Celui d’une jeune fille haïtienne ayant découvert le football dans son quartier de Mirebalais, pieds nus, dans la rue, uniquement avec des garçons, et souvent « sans vrai ballon ».

Quels souvenirs conservez-vous du football à Haïti ?

Ce sont des moments qui sont gravés en moi à tout jamais, parce que je les ai partagés avec mes amis d’enfance. Le football m’a choisie dès ma naissance, ça s’est fait naturellem­ent, alors que personne ne m’a jamais poussée dans cette voie.

À quoi ressemblai­ent les matchs dans votre quartier à Mirebalais ? On aurait pu avoir un vrai ballon, mais nos parties se seraient terminées plus vite sur nos petits terrains pleins de cailloux. On considérai­t donc ça comme une dépense inutile. Tout pouvait nous servir de ballon : un citron, des chaussette­s qu’on remplissai­t d’éponges, c’était inoubliabl­e. Forcément, quand je vois le grand écart entre les conditions que j’ai connu et ce niveau profession­nel aujourd’hui, je sais que je vis un rêve. En quoi était-ce précieux de découvrir le football sans chaussures selon vous ?

Au début, je me sentais confortabl­e de jouer pieds nus. Ça m’a permis d’avoir cette maîtrise du ballon et de savoir utiliser toutes les surfaces de mon pied. Mais une fois que j’ai quitté mon quartier, j’ai pris conscience de l’importance d’avoir des chaussures pour protéger mes pieds. Étiez-vous la seule fille à ces matchs ? Oui, j’avais 10 ans, et certains garçons en avaient 16. La vitesse de jeu et les contacts n’étaient pas les mêmes que si j’avais débuté contre des filles. Ça m’a permis d’aiguiser ma qualité technique et mon explosivit­é. Ça m’a poussé à jouer simple, à être intelligen­te pour éviter les contacts, à élargir mon champ de vision et mes déplacemen­ts. Était-ce possible de rêver d’un destin de footballeu­se profession­nelle, en tant que jeune fille vivant dans un quartier à Haïti ?

À cette époque, je rêvais de pouvoir jouer un jour dans un beau stade, mais c’était impossible de se projeter dans le football profession­nel. Je pense que dans le monde entier, la femme doit s’occuper de la maison, des tâches ménagères. C’était dur de faire admettre que les filles avaient aussi le droit de pratiquer le football. Mais j’ai eu la chance que ma mère ne soit pas trop stricte. Elle ne m’interdisai­t pas le foot parce qu’elle voyait que j’étais épanouie. Mais il y avait des conditions : il fallait que tout soit nickel à la maison avant que je puisse aller jouer. À 15 ans, vous êtes invitée pour une semaine de stage à l’OL.

À quel point cela a-t-il été difficile de retourner à Haïti ensuite ?

C’est tant mieux, peut-être que je ne serais pas là aujourd’hui si l’essai à Lyon avait abouti à l’époque. C’était difficile à encaisser d’attendre aussi longtemps ensuite à Haïti, mais je n’ai pas abandonné, j’ai travaillé dur, et je suis très fière de ça.

Vous vous révélez à Reims de 2021 à 2023 avant d’arriver à Lyon l’été dernier.

Après mon stage à Lyon, tout ce que je voulais, c’était porter le maillot de ce grand club. L’un de mes rêves est donc devenu réalité.

Après sept mois à l’OL, vous sentez-vous dans un rôle de joker offensif ?

Même si je n’ai pas encore eu la possibilit­é d’avoir autant de trophées que les filles qui étaient déjà au club, j’ai une mentalité de gagnante, et c’est ce que tout le monde partage dans ce club. Je m’intègre bien dans le groupe, le choix des titulaires appartient à la coach [Sonia Bompastor]. On a vu avec mes entrées face à Benfica en quart de finale que je voulais essayer de changer la donne.

« Quand je vois le grand écart entre les conditions que j’ai connu et ce niveau profession­nel aujourd’hui, je sais que je vis un rêve. »

« Au cours des deux dernières années, les glaciers des Alpes ont perdu environ 10 % de leur volume, vient d’alerter Copernicus, l’observatoi­re pour le climat de l’Union européenne, dans son rapport annuel. Les Alpes sont l’une des régions du monde où les glaciers reculent le plus rapidement. » D’après l’étude, ce phénomène est la conséquenc­e des mois d’été « exceptionn­ellement chauds » à travers toute l’Europe.

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F. Nascimbeni / AFP L’attaquante haïtienne à l’entraîneme­nt, en mai 2023.
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