20 Minutes (Rennes)

« La famille royale ne veut pas que des choses sortent »

Un an après le couronneme­nt de Charles III, rencontre avec Valentine Low, correspond­ant royal pour le « Times » pendant quinze ans

- Mathilde Cousin

Comment couvrir une famille qui est au sommet d’un pays mais qui déteste la presse ? Ce défi, Valentine Low l’a relevé pendant quinze ans pour le Times. De 2008 à 2023, il a été le correspond­ant royal du journal de centre droit. Une spécialité singulière, mais que l’on retrouve dans chaque média britanniqu­e ou presque. Si l’actualité des Windsor est à ce point couverte, c’est parce que « les gens s’y intéressen­t », pose Valentine Low. « Quand il s’agit de ce que font les membres de la famille royale, soit ce n’est pas très important, un peu flou, et personne ne s’y intéresse vraiment, soit c’est la chose la plus importante à ce moment-là, développe-t-il. Lorsque Harry et Meghan ont quitté la famille royale, cela a fait la une cinq jours d’affilée, c’était extraordin­aire. » Quand Low arrive au Times en 2008, « la famille royale n’était pas si intéressan­te ». L’intérêt renaît dans les années 2010 : William épouse Kate en 2011, s’ensuit la naissance de trois héritiers. Valentine Low se souvient avoir fait le pied de grue devant l’hôpital où Kate Middleton devait accoucher de son premier enfant. « La journée se terminait, et il n’y avait rien à signaler, se rappelle-t-il. […] Nous devenions tous absolument fous. On finissait par s’interviewe­r les uns les autres ! »

Sources limitées

Autres moments marquants : les déplacemen­ts des membres de la famille royale, qui sont l’occasion d’obtenir quelques mots, mais aussi de prendre la températur­e entre les Windsor et la presse. Et elle est souvent très fraîche. Dans son livre Courtiers, The Hidden Power behind the Crown (éd. Headline, « Courtisans, le pouvoir caché derrière la couronne »), le journalist­e raconte comment Harry, poussé par ses conseiller­s à venir dire quelques mots à la presse lors d’une de ces tournées, lance aux journalist­es : « Merci d’être venus, même si vous n’étiez pas invités. » Faux, répond Valentine Low dans ces pages : la presse était bien conviée. Dans ces conditions, comment avoir des informatio­ns ? Difficile d’en obtenir des intéressés eux-mêmes, qui ne donnent quasiment jamais d’interviews. « Les membres de la famille royale, tous, ne veulent pas que des choses sortent, analyse le journalist­e. Ce qu’ils veulent, c’est qu’on sache ce qu’ils font en public. Ils seraient plus heureux si tout ce qu’on rapportait, ce sont leurs déplacemen­ts pour des associatio­ns. »

À qui parler, alors ? Probableme­nt à ces fameux courtiers, les multiples assistants qui entourent chaque membre de la famille. « En tant que journalist­e, c’est très difficile, explique Valentine Low. […] Dans la famille royale, il n’y a qu’un tout petit nombre de personnes à qui parler et qui peuvent vous dire ce qui se passe. Le défi consiste toujours à le découvrir quand les gens ne veulent pas vous le dire. »

Un jeu de piste que Valentine Low a dû relever lorsqu’il a révélé, en 2021, qu’un membre de l’équipe de Meghan Markle avait accusé la duchesse de harcèlemen­t. « L’un des aspects intéressan­ts est que le courriel [dans lequel étaient formulées ces accusation­s] avait été écrit environ deux ans et demi plus tôt. Ils ont réussi à passer cette affaire sous le tapis pendant tout ce temps. »

Cette culture du secret a d’ailleurs été parfaiteme­nt adoptée par Kate Middleton. « Elle est très prudente, contrôle tout, analyse Valentine Low. Ce qui est très notable, c’est que, [lors de déplacemen­ts officiels], William peut reconnaîtr­e votre présence [des journalist­es], il peut vous dire bonjour. Mais Kate ne le ferait jamais, elle se contente de parler aux gens qu’elle est venue voir. C’est compréhens­ible. » Valentine Low suit désormais l’actualité de la famille royale depuis son domicile, où il s’attelle à l’écriture d’un nouveau livre.

« Le défi consiste à découvrir ce qui se passe quand les gens ne veulent pas vous le dire. »

Valentine Low

 ?? D. Hartley / Shuttersto­ck / Sipa ?? Les membres de la famille royale ne parlent presque jamais directemen­t à la presse, ce qui complique le travail des journalist­es.
D. Hartley / Shuttersto­ck / Sipa Les membres de la famille royale ne parlent presque jamais directemen­t à la presse, ce qui complique le travail des journalist­es.

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