Les musées ont le feu sacré
Sacrés, hantés ou maudits, de nombreux objets conservés au musée du Quai Branly – Jacques Chirac ont une dimension spirituelle forte. Ainsi, pour l’inauguration de sa nouvelle exposition, « La Pierre sacrée des Maori », consacrée aux cultes entourant les objets pounamu, sorte de jade de Nouvelle-Zélande, le musée a organisé une cérémonie de bénédiction par les représentants de l’iwi Ngai Tahu, une tribu maori. « Cette cérémonie permettra de rendre l’exposition plus sûre pour les visiteurs, explique Dougal Austin, conservateur maori du musée Te Papa Tongarewa, d’où proviennent les objets de l’exposition. Ces pièces en pounamu sont chargées d’une énergie spirituelle. Il faut savoir la diriger. » Un mythe fondateur maori raconte qu’au commencement de l’univers, le ciel et la terre se touchaient et que les pounamu les ont fait s’éloigner pour créer notre monde. Pourtant, le musée a rarement recours à une cérémonie pour ses collections. « Même s’ils ont pu avoir un caractère sacré, les objets du musée ne sont plus traités selon les protocoles spirituels qui leur étaient spécifiques, explique Emmanuel Kasarhérou, responsable de la coordination scientifique des collections. Dès le moment qu’ils rejoignent le musée, ils sont tous traités avec un égal respect dû aux oeuvres d’art. »
Ni exorcisme, ni rité secret
Le musée du Quai Branly ne procède donc à aucun désenvoutage, exorcisme, sacrifice ou autre rite secret. « En présence de membres de la communauté d’origine de ces objets, il n’est pas rare que ceux-ci demandent à procéder à des actes pour rendre hommage à leurs objets, raconte Emmanuel Kasarhérou. Dans la mesure où ces actes ne portent pas atteinte à l’intégrité des objets et des lieux et qu’ils n’entraînent aucune discrimination au détriment de tiers, ils peuvent avoir lieu. » Le musée travaille ainsi en relation étroite avec certaines communautés, pour l’acquisition de nouveaux objets notamment, l’organisation de colloques ou travaux scientifiques, la tenue de spectacles. « Un objet est toujours un lieu de rencontre de savoirs ou de personnes, explique Nicolas Garnier, responsable des collections Océanie du musée du Quai Branly. Notre travail consiste à aider ces rencontres-là. Quand on a perdu l’information sur lui – son lieu d’origine, sa fonction… –, un objet est mort, perdu. »